Crise du corps

Publié le 2 décembre 2012

Dans la piscine, ce matin, dans la piscine, je me demandais depuis combien d’années je n’avais pas nagé… et je me suis promis que le prochain billet parlerait du corps. De mon corps. Mais en même temps, je me rendais bien compte que faire ça, ça voulait dire dévoiler plus que ce que j’ai fait jusqu’à maintenant. Et là, je me suis amusé, à penser qu’en fait, tout ça renvoyait l’image d’un type mentalement tourmenté, alors même que j’ai passé mon temps à déplacer sur le plan psychique les problèmes plus ou moins inédits que me posait  mon bête corps de 47 ans. J’entends encore une petite voix « mais ce n’est pas vieux !» Oui, c’est pas vieux aujourd’hui, mais j’ai juste dépassé de 14 ans l’espérance de vie du début du XIXe siècle… C’est con… Oui. Mais c’est pas mal de se souvenir. J’ai aussi largement dépassé l’âge de plusieurs personnes que j’ai côtoyé et qui sont mortes en quelques mois du cancer… Ce qui explique que j’ai pris très au sérieux l’alerte de septembre…

Donc, l’écriture ici est un masque pour mon petit corps. Et l’histoire du corps est une chose bien commune. Ça vieillit, ça croupit, ça s’écroule autant de l’intérieur que de l’extérieur. Ça produit des douleurs et des petits handicaps, progressivement, insidieusement, et parfois, on se réveille en découvrant qu’on ne peut plus faire ça ou autre chose. Ce serait trop simple de dire qu’on perd le souffle. Non, pas seulement le souffle. C’est un simple geste qu’on ne peut pas faire, ou pire, qu’on fait et qui porte à conséquence, dont on met 15 jours à se remettre… On découvre brusquement qu’on a passé 15 ans derrière un écran, et donc 15 ans le cul sur un mauvais fauteuil, 15 ans, et que le corps n’a pas aimé. On se souvient très bien qu’on bougeait comme on veut, n’importe comment. Encore une fois, je ne parle pas d’endurance, mais bien de capacité, de liberté…

Alors, même si je ne supporte pas la dimension morale de la pratique du sport, la manière dont on nous dit d’en faire, injonction, il faut bien. Pour survivre, déjà, et pour retrouver un peu de mobilité. Il y a encore quelques mois, je me faisais peur. Lorsque je faisais un exercice physique, genre bricolage léger, mes bras se mettaient à trembler, de manière incontrôlable, et je commençais à accepter ce handicap de plus. Personne ne parle de ces petites choses. En fait, les évolutions de son propre corps sont des petites surprises que la société nous réserve. On ne se plaint pas de ses petits maux. Le problème, c’est qu’il faut parfois un parcours médical complet pour s’entendre dire que telle chose ou autre est parfaitement « normale ». J’aurais aimé le savoir… En septembre, quand j’ai vraiment flippé, ce chirurgien à grande moustache, qui me regarde en souriant « je ne vois rien d’anormal » « mais, qu’est-ce que vous appelez normal ? Ça ne m’était jamais arrivé ! Quelque chose qui ne m’est jamais arrivé est “anormal” pour moi ! » Rire du gars…

Alors, derrière ces billets, cinq mois à retrouver du tonus musculaire. Pas franchement « nerds », ça. Et maintenant, la piscine, pour le souffle. Et pour me faire aller à la piscine, il en faut !

ça change de registre…

(En illustration : l’étape « Le corps remis à sa mère » du chemin de croix que j’ai co-réalisé avec Fabrice Neaud dans une autre vie)

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