Le déclin de la littérature (encore ?)

Publié le 6 janvier 2018

Je me rends bien compte que je ne serais jamais en phase avec les lectures de mes contemporains, car je suis bien incapable de lire aujourd’hui les distractions de mon adolescence (les trucs qui ne me font plus ni rêver ni peur) et pas plus tous ces déclinistes que lisent mes amis. Je ne lis pas les déclinistes. Pourtant, ils se lisent en masse, comme à toutes les époques, puisque leur erreur sentimentale et narcissique qui prend leur très intime perte de fraîcheur pour un déclin civilisationnel entre très simplement en résonance avec ce même sentiment vulgaire chez le lecteur nombreux.

(Je l’ai ce sentiment, là, comme les autres, mais je sais parfaitement qu’il m’appartient, qu’il est, en effet, lié à mon déclin personnel, à cette usure simple du corps et de l’esprit.)

Et, à aucun moment, je n’en accuse mes contemporains, ou « la société », ou « la jeunesse », ou « la perte des valeurs », ou encore, pour la lecture, « le déclin de la littérature ». Je sais bien qu’au moment même où je m’use, d’autres sont neufs et d’autres le seront demain. C’est cruel, mais inéluctable. Alors, quand on a deux doigts de conscience du réel, il est impossible de prêter l’oreille à ces idiots à chaque époque renouvelée qui confondent et s’imaginent qu’après eux, le déluge…

Ce n’est pas si simple à accepter, mais même si c’était la fin d’un monde, il n’y aurait pas de déclin (en réalité, nous vivons un âge d’or culturel. Mais avant qu’ils comprennent ça, ils seront morts), car il y a dans l’humanité une énergie poétique infiniment supérieure aux conjonctures, ce qu’avait découvert Pauvert par exemple en montrant, au-delà de la destruction systématique des œuvres par la guerre et la connerie politique, que les poèmes d’amour et de deuil seront toujours réécrits, partout, en tout temps, tant qu’il y a quelques couillons d’humains dans un coin.

Pour le déclin de la littérature, je rirais encore au nez de celui qui aura lu les presque 50 000 nouveaux romans qui s’éditent dans le monde chaque année (il faut y adjoindre, à la liste de lecture, les essais, les recueils de poésie, les sciences dures et humaines, etc.). Au-delà de l’impossibilité matérielle, il faudrait aussi avoir quelques compétences linguistiques… Et même s’il avait les moyens de comparer littérairement (selon quel critère ? De son goût étriqué ?), comment oser comparer le micro-entre-soi maniéré de l’ancienne société humaine (à l’échelle de son quartier), avec l’humanité massive d’aujourd’hui ?

Personne de vivant ne peut espérer savoir où sont les classiques de demain qui s’écrivent aujourd’hui.

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