La beauté est une salope

Publié le 18 novembre 2007

Plus grande est la beauté plus profonde est la souillure disait Bataille pour autre chose… pour jouir en fait. Mais, la beauté est une salope, Une sacrée salope, qui vous saute aux yeux du pire des lieux. Dans ce froid glacial et soudain, avec la fièvre qui ne me lâche pas, je détourne le regard du paysage pour tomber sur ce pigeon agonisant, au milieu de la chaussée. Le corps arc-bouté, l’aile pointue, le plumage moiré, la tête épuisée pliée en avant, comme échouée, le bec collé au coup et sur le sol la petite tache circulaire écarlate et très propre, comme neuve. Sur dix mètres peut-être une traînée de plume. Une beauté inouïe, insupportable. Un simple pigeon, un simple drame, une simple mort violente, une simple agonie insupportable, mais une beauté massive, de celles qui ne se laissent pas négliger, qui s’inscrivent gravé sur la rétine, comme pour empêcher de détourner le regard… La beauté est une salope.


Plus tard. Malgré le froid, Céline veut me montrer son expo en cours d’installation. Nous descendons donc dans ce bâtiment froid. Tout est éteint, pas un chat. Je suis surpris par l’ampleur du travail qui reste avant mardi soir. Mais il y a déjà beaucoup sur les murs. D’un coup d’œil, j’ai vu que ses lavis fonctionnaient merveilleusement qu’elle a bien fait de choisir une peinture rouge pour les murs… Mais ce qui m’a surpris, c’est le rendu de l’alignement de tirages des dessins qu’elle publie sur le web, qui à priori ne sont pas taillé pour le mur, pour la confrontation « plastique »… Je m’approche, et c’est beau, incroyablement beau, et même le texte est attirant. Il me vient que les catégories de genre existent bien, qu’il y a des images qui appellent le livre, par une nature plus proche du langage, et d’autres qui sont taillées pour la confrontation physique. Je vois très bien comment son travail revient depuis quelques mois vers une évidente plasticité, et que cet alignement de tirage numérique, presque déjà ancien, aurait parfaitement sa place imprimée dans un livre. Mais malgré cette identité de genre, indéniable, devant moi, sur ce mur, ça tient le coup, ça prend même une dimension nouvelle, une lisibilité extraordinaire. Je suis troublé et content. Les images de Céline sont encore un immense mystère.

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