Nous sommes la matière de l’histoire

Publié le 14 avril 2013

Avec un petit h. Je lui disais, méfis-toi de ceux qui ont le sens de l’histoire (de l’Histoire). Méfis-toi. Elle me répondait « je dois donc me méfier de toi… » C’était une affirmation. Je répondais « si tu veux, mais moi, je me donne à l’histoire… Même si je vois l’esthétique des choses, je suis aussi au premier degré » « Ce n’est pas possible, ce que tu dis » « peut-être… Alors, je suis maudit ». Nous étions tous pareils, elle, moi, les autres. Enfin, sauf ceux qui seront victimes de l’histoire. Mais oui, nous étions tous pareil. Le jeu, chaque jour, se complexifiait, s’emmêlait, et plus personne ne voyait le bout du bout de ce qui pourrait en sortir. Moi, je suivais le fil, le fil de la vision. Et que le reste meurt. Je découvrais les limites morales de mon petit être si pur. Le gentil garçon, il suivait le fil, quitte à laisser des cadavres sur le bord de la route. Sa « vie » ? « Ta vie, qu’est-ce que tu en fais ? Hein ! Ta vie ! Tes amis, ta famille, ton travail ! » Baisse la tête, pas de honte, non, baisse la tête, pour dissimuler le sourire, le sourire du gars qui suit le fil, qui est sur la piste, qui ne dérogera pas, qui n’est déjà plus là. « Qu’est-ce qui a de l’importance pour toi ? » « Rien » (seule l’histoire compte. Seule l’histoire reste). Ou plutôt, qui demande ? Ou plutôt, quand ? Ou plutôt, si tu considères ta vie propre pour ce qu’elle est, même pas une poussière sur un grain de sable de la plage des Landes, même pas, alors « ce qui a de l’importance » s’entend comme une enflure, comme un uniforme, comme un plastron rempli de médaille, comme un dédain infatué, comme une prétention creuse, comme une merde.

Oui, je me donne à l’histoire. Tu connais meilleure manière de jouir ?

Je pensais, l’autre jour, lequel ? qu’à l’entrée du paradis, une seule question est posée : « combien de fois t’es-tu abandonné ? » « Jamais ! » répond l’orgueil. Dégage ! Oui, la seule question, à l’entrée du paradis est celle-ci, à entendre vraiment, « combien de fois t’es-tu abandonné ? ». Eh non, ce n’est pas de la poésie, c’est du reportage. De première main.

Nous étions la matière de l’histoire.

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