Vivre aux frontières du cône de frottement

Publié le 21 mai 2017

« le monde n’est qu’une bransloire perenne ; toutes choses y branslent sans cesse, la terre, les rochiers du Caucase, les pyramides d’Aegypte, et du bransle publicque et du leur ; la constance mesme n’est aultre chose qu’un bransle plus languissant. »

Le plus beau cerveau de par mes contrées ne pouvait imaginer que ce « pérenne » deviendrait douteux. J’ai trouvé la citation par le livre que je feuillette en ce moment : “ZickZack” (“Feuilletage” en français) de Hans Magnus Enzensberg. Livre remarquable par ailleurs et dont je reparlerais pour d’autres sujets. Au passage, quand même, noter la catastrophique traduction du titre ! Voilà ce qui se passe quand on donne la responsabilité d’une collection à Philippe Sollers…

Bien, donc je trouve cette citation, très belle et chantante, et retourne chercher Montaigne dans ma bibliothèque. Je trouve la version modernisée en Quarto, et je prends conscience que je ne me souviens plus si j’ai quelque part une édition plus ancienne. Cet extrait du chapitre deux du livre trois, le bien nommé “du repentir”, est assez laidement écrit en français moderne dans l’édition Quarto. Impossible de reprendre cette version ici. Comme je veux retrouver le contexte, je charge une édition de 1802 sur Gallica. Là, ça sonne !

Et comme Montaigne y est aimable :

« je ne peinds pas l’estre, je peinds le passage »

« soit que je sois aultre moy mesme, soit que je saisisse les subiects par aultres circonstances et considérations : tant y a que je me contredis bien à l’adventure, mais la vérité, comme disoit Demades, je ne la contredis point. Si mon ame pouvoit prendre pied, je ne m’essaierois pas, je me resouldrois : elle est toujours en apprentissage et en espreuve. »

« Je propose une vie basse et sans lustre : c’est tout un ; on attache aussi bien toute la philosophie morale à une vie populaire et privée, qu’à une vie de plus riche estoffe : chasque homme porte la forme entière de l’humaine condition. »

Etc. Il est aimable.

 

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2 comments

  1. Merci pour ces remarquables citations de Montaigne. Savez-vous que Guy de Pernon (pseudo) s’est essayé à une traduction moderne probablement plus intéressante, qui est toujours en cours de réfection et qui était un temps, pour le Livre I du moins, disponible en epub (pour iBooks) ? Elle est actuellement disponible en ligne ici : http://guydepernon.com/site_4/som2montaigne.html. Dans la foulée, j’ai écrit à Guy de Pernon pour savoir où en était l’édition bilingue en epub. L’édition en français moderne uniquement est aisément trouvable sur le net (notamment sur Archive.org) dans son état actuel.

    Question de détail : qu’entendez-vous par “Le plus beau cerveau de par mes contrées ne pouvait imaginer que ce « pérenne » deviendrait douteux” ? Le fait que le monde risque de disparaitre ? Mais n’est-ce pas encore la preuve de cette “bransloire” ? Elle resterait quoi qu’il en soit pérenne au niveau de l’univers, le monde dût-il disparaitre.

  2. Merci pour le lien !
    Et oui, c’était une allusion à l’incertitude de l’avenir du monde, plus incertain que jamais. Et oui, aussi, pour la fin. Ha ha ha !

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