Le Quai des Orfèvres d’Henri-Georges Clouzot

Publié le 14 novembre 2017

C’est un film qu’on revoit. Mais vu il y si longtemps que c’est comme voir pour la première fois. Un regard neuf, une surprise, donc.  Un film beau, plastique, au noir et blanc riche, contrasté et savant.Un film étrange aussi, parsemé de petites intentions progressistes, et peut-être messages à l’attention de ceux qui accusaient Clouzot de collaboration. Sinon, c’est une enquête policière classique relativement palpitante, qu’on suit encore avec une certaine tension. Mais c’est surtout une figure de flic incroyable, la grande silhouette légèrement arquée de Louis Jouvet tenant le film entier. Les autres sont moins là. Même Bertrand Blier, un peu jeune. Les filles remplaçables (Il faut Arletty en face de Louis Jouvet. Elle n’est pas là). Non, comme souvent dans le polar, tout tient sur un personnage, un axe, un esprit particulier par lequel on voit le film, dont la moindre parole sonne comme une sentence, dont on attend le verdict. Le film est de 1947. Le livre de Stanislas-André Steeman est de 1942 et s’appelait « Légitime défense ». Il ne racontait pas tout à fait la même histoire. Henri-Georges Clouzot a voulu que ça se termine bien pour les protagonistes principaux, faisant glisser la culpabilité sur un petit voyou tueur de (jeune)flic. Désignant un coupable idéal pour une fin morale, transformant à la fin le polar noir en conte de Noël. Le film a déséquilibré les personnalités, affaiblissant les personnages féminins au profit du flic. Alors que dans le livre, l’héroïne a une toute autre épaisseur :

« Le commissaire s’empressa, comme s’était empressé maître Larcier, comme s’empresserait M. Pons. Et Noël comprit. Ce n’était pas Belle qui se ferait à la prison, c’était la prison qui se ferait à Belle. »

Hé oui, dans le livre c’était bien la femme légère la coupable, de manière parfaitement classique, attendue, et ça explique le gros défaut du film, l’étrange mollesse de la conclusion, ce retournement plat après cette monté en tension que Louis Jouvet semble illustrer bien ironiquement en disant « et ça se termine en pipi de chat »…

Un très beau film et un cafouillage scénaristique final, peut-être par superstition commerciale… 

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