se comprendre

Publié le 24 mars 2013

Quoi ? Je suis quoi ? Je suis particulièrement borné. Je mets une vie pour comprendre une chose simple. Une vie. Alors, j’ai fini par accepter ma bêtise. Et pour savoir, ou comprendre comment je fonctionne, intimement, ça a été toute une histoire, une histoire pas terminée.
Ce que j’ai su très rapidement, c’est que je n’étais pas comme les autres. Les autres ? Oui, les mecs, quoi ! C’est comme cette conversation entre jeunes gars, sur les sous-vêtements féminins noirs… et moi qui ose « mais, c’est bien aussi, blanc… » « Ha non ! » unanimes… et ils me regardent tous comme si j’étais un monstre… Le sexe, c’est les sous-vêtements féminins noirs ? C’est pas le corps des femmes ? Je les regarde, et marmonne, « si c’est ce que vous préférez, pourquoi draguer ? Pourquoi ne pas simplement se frotter sur le rayon soutifs des Galeries ?

Non. Le sexe est partout, juste entre les corps. Il est parfois potentiel, juste là, suspendu entre deux présences, sans avoir besoin de l’exprimer, il est dans la manière de bouger, la manière de bouger, la manière de bouger. Il est dans l’imperceptible froissement de la commissure d’une lèvre. Il est dans un frémissement. Il est dans un élan stoppé, dans une hésitation, dans un regard raté, dans un effluve insaisissable, un oublie entêtant, une aspiration, et dans cette première humidité, celle qui vient sur la langue à l’idée qui traverse… Il est partout. Tout est fétiche. Il est dans l’absence même.
Il est partout sauf dans les clichés, sauf dans les codes et canons, il est partout dans le réel de la présence, dans le réel de l’absence.

J’ai vu ça. Rapidement. Bien sûr, ils étaient tous nourris au catalogue de La Redoute. J’avais entamé le rayon de l’enfer dans mon enfance, sans vergogne, dit-on, sans difficulté, sans appréhension, par curiosité. Je lisais tout. Et je regardais. Je regardais les filles. Je ne savais pas encore que je tomberais amoureux de celles que je ne regarderais pas. Je savais pas encore comment j’étais. D’après la même bande, celle des gars, qui se retrouvent au club ou au comptoir, et y finiront, j’ai un cerveau de fille. Oui. Je n’étais pas pareil. Une forme d’hermaphrodisme psychique.
Je saurais plus tard, je comprendrais, que si je ne pénétrais pas la fille qui s’allongeait à côté de moi, c’est qu’il y avait un ordre à respecter. Que cet ordre m’était impératif. Qu’il fallait, avant tout, que je respecte, que j’admire son cerveau, puisque la grande affaire, c’est que ce qui m’excite, c’est pas la couleur du soutif, mais le cerveau de la dame, que j’admire son talent, puisque je suis snobe, qu’il me faut de l’exceptionnel pour me remuer vraiment, qu’il faut une longue conversation, longue, longue, qu’il faut un pacte, un échange sacré, chaque fois réinventé, et qu’enfin, que tout le reste suivra, lentement, et qu’au bout, il y aura le sexe, le sexe oui, mais le sexe comme on respire, le sexe comme on a faim, le sexe comme on meure, le sexe comme on pleure, comme on cri au début et à la fin, comme…

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