Steven Cohen désamorcé

Publié le 19 septembre 2015

Steven Cohen, le performeur qui avait été arrêté pour se laisser traîner tranquille par un coq rattaché à son sexe place du Trocadéro, est passé par en bas de chez moi, dans la grande salle du FRAC Poitou-Charentes. Steven Cohen exécute une performance chorégraphiée, habillé en drag queen, mélangeant scatologie et provocation politique. Le personnage est impressionnant, pourtant cette performance avait quelque chose de paradoxal : Cet artiste choisi habituellement de s’exhiber dans des lieux publics devant des spectateurs involontaires, et donc de provoquer un « trouble à l’ordre public » qui lui mérite souvent une intervention policière. Et comme conséquence, bien sur, il espère un écho dans les médias. Ici, nul trouble à l’ordre public, mais une performance artistique, dans l’un des cadres institués des performances artistiques, cadre qui annihile toute possibilité de scandale… Le public n’est pas captif, mais volontaire et parfaitement affranchi, habitué et savant de l’histoire de l’Art de la fin du XXe siècle. Toute charge provocatrice est ici désamorcée par le dispositif même.

Je ne suis pas sensible à la scatologie, pas plus qu’à la nudité publique, comme apparemment l’ensemble des nombreux visiteurs ce jour-là, et Steven Cohen ne provoquera donc aucun scandale, et même aucune obscénité. Il n’obtient que des applaudissements.

Voilà qui montre qu’un FRAC, et tout lieu d’Art ne peuvent abriter le scandale que dans des circonstances extrêmes. Et encore, le scandale sera scandale pour les observateurs extérieurs, pas pour les participants habitués à toutes sortes de provocations, et qui sont insensibilisés tout autant aux exhibitions sexuelles qu’aux symboles bafoués, drapeaux ou étoile de David. Alors, ne reste que l’esthétique du travestissement, une certaine solennité de la mise en scène qui élève la sodomie et l’ingestion de ce qui sort de son anus en rituel… Et d’ailleurs, son travestissement, qui en fait une sorte de clown, ou de personnage de carnaval, ce moment ou tout est permis, détruit la potentialité même de l’obscénité. Un clown n’est pas obscène, même le cul nu, et l’obscène est la normalité du carnaval.

Preuve de l’innocuité de la performance, à la fin, l’indifférence totale du public devant le plug anal abandonné :

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