BD dans la ville (8)

Publié le 29 janvier 2012

Avant d’entamer cet ultime dimanche, le bilan de mon samedi marchand : Ais-je acheté quelque chose ? Oui, un parapluie…

Hier soir, nous ne sommes pas sortis. J’en parlerais peut-être en conclusion, mais c’est une étrange mélancolie qui accompagne mes pas sur les allées de ce Festival que j’aimais tant enfant, et que j’ai tant détesté plus tard. Et l’exercice double de cette année (un reportage, deux casquettes), est peut-être aussi une manière de me réconcilier avec mon enfance…

Je terminais le billet de samedi quand Céline jette « je viens de te voir à la TV ». Je réponds élégamment « quoi ? » « Je viens de te voir à la TV, je te dis… » Je me penche : émission d’Arte sur la BD érotique. « Quoi ? Mais… ». « Mais rien, juste que la gonzesse vient de feuilleter le livre de Fabrice… et je viens de te voir à la TV… » (Ouf ! Je déteste les caméras. OK, je viens de filmer les autres toute la semaine, mais je déteste les caméras quand même !), mais moi dessiné, ça compte pas ! Ce n’est pas vraiment moi… Le coup au cœur calmé, je goute l’ironie, qu’on ne sorte pas ce soir-là pour ne pas entendre parler de BD, et que ça nous rattrape comme ça, avec mon image comme personnage de BD filmée par la télévision… C’est bien la preuve que j’avais tort, toutes ces dernières années, de vouloir m’en débarrasser. Ça me colle, alors autant assumer !

J’écris ces quelques lignes en avance. J’ai appris en quelques jours à découper le travail, par exemple sortir les photographies rapidement et m’avancer pour le trie et le traitement. Qu’est-ce qui m’a pris de choisir un format qui n’existe pas ?  Ha oui, c’était pour ne pas plomber les pages avec des photos trop hautes. Sinon, le soir (voire la nuit), il me faut plusieurs heures pour publier un article pourtant très léger. Donc, s’organiser et ne pas rater les moments de calme. Je vais bientôt descendre dans la vallée pour la visite de Frédéric Mitterrand. Je sais déjà que je ne suis pas très doué pour ce genre d’exercice… Mais la chose qui me tracasse est tout autre : est-ce que je dois, est-ce que je vais acheter le MetaMauss ? Sur facebook, j’ai vu passer le commentaire toujours impeccable d’Olivier Beuvelet et ça m’a troublé. Faut-il l’acheter ? J’avais tendance à penser cet objet plus comme un commentaire sur une célébrité qu’un commentaire sur une œuvre. En effet, Art Spiegelman reste comme ces chanteurs d’un seul tube, et ces autres livres seraient aujourd’hui plus que confidentiels s’ils ne bénéficiaient pas de la notoriété (justifiée) de Maus. Je suppose que Spiegelman est parfaitement conscient de la chose, et ce MetaMaus sonne comme un retour non sur ce que peut être intrinsèquement Maus, mais sur l’importance que ce livre a pris dans l’Histoire de la BD et au-delà dans celui du témoignage sur la Shoah. Maus a construit Spiegelman, dessinateur underground fêté ici comme une rock-star, mais l’a aussi figé pour l’éternité — comme il semble s’en plaindre — avec son masque de souris grise. Sur une de ses planches, lorsqu’il enlève ce masque, on lui découvre une tête de mort, ce qui semble indiquer que l’auteur perçoit toute l’anormalité de cette situation, et aussi qu’il ne s’en extraira que par la mort. Il n’est pas un rescapé des camps de concentration (en fait si, directement comme toute la seconde génération), mais il est tatoué à vie. Donc, j’ai décidé maintenant, tout de suite, de ne pas décider. Je sais déjà qu’il y a le stand à l’entrée de l’expo. Si j’en ai le loisir, je vais le feuilleter… et peut-être le ramener (en fait, non… Je me suis dit plus tard que c’était amusant de n’acheter qu’un parapluie à l’occasion de ce Festival).

Aller, allons-y !

J’ai retrouvé les enfants… Mais j’ai l’impression que ça ne va pas être si simple de les habituer au très vieil album franco-belge, objet qui va vite leur sembler encore plus antique que le DVD glissé dans le livre d’Art Spiegelman (Chez son éditeur, personne n’a remarqué que les étudiants s’achètent depuis maintenant 3 ans des portables sans lecteur optique ?).

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« Mais… qu’est-ce qu’il me veut avec son vieux truc en papier ? »

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Je n’ai pas eu le temps de réfléchir, la voiture officielle s’immobilise pile devant moi ! Frédéric Mitterrand descend et s’avance pour me serrer la main… Haaa ! J’ai un réflexe pour répondre à son invitation, mais je suis encombré, un appareil photo dans une main, la caméra dans l’autre, et en plus avec des gants… Il comprend heureusement rapidement que mes mains ne sont pas libre, et passe au suivant… Je m’attendais à une cohue, comme avec Spiegelman, et pas à ce truc « cercle restreint » qui permet même de faire des photos. Ambiance douce douce… Juste le service d’ordre qui me confisque mon parapluie… J’espère que je vais le récupérer, je l’ai acheté hier ! Bon, OK, il ne sert à rien aujourd’hui, c’est hier qu’il pleuvait…

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Le scoop du jour, c’est qu’une visite officielle, ça ressemble à une visite officielle… Le tour de l’expo va durer un certain temps, et nous devons reprendre le reportage au moment de la traversée de la passerelle. Direction, le Musée de la Bande dessinée.

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Art Spiegelman cause français. Quand il sèche, il repasse en version originale. Je capte juste quelques phrases… Pauvre ! Il cause sémiotique au ministre ! (pour le contenu de l’expo, consultez cet article détaillé de Jacques Dutrey sur BDzoom)
Bon, il m’arrive quelque chose de bizarre… Les rares fois dans ma vie où j’ai dû faire ce genre de photographies, ça avait toujours foiré. Je suis nul pour jouer des coudes… Mais là, depuis le début, il suffit que je prenne racine quelque part pour que ceux qui doivent être pris en photo se plantent devant. Je ne comprends pas… Ils me veulent tous quelque chose ? La fatigue, c’est juste la fatigue ! Allez, on arrête la parano. C’est l’effet « Culture visuelle », ça doit être ça ! Par exemple, cet après-midi, pendant la cérémonie de remise des prix, je me retrouve dans le noir, sur le côté. Je suis tranquille quoi ! Mais après dix minutes, j’ai découvert quand il s’est levé pour répondre aux applaudissements que j’étais juste derrière Fred, et je me suis pris tous les flashs dans la figure…

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Alors, puisqu’on en est là, les photos de la cérémonie…

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Vous connaissez Cannes ? Et bien c’est la même chose en plus petit… Mais pas seulement plus petit. C’est aussi plus libre, plus impertinent, plus subversif même, parce que certains livres qui gagnent sont un peu plus délurés que les films en compétitions !

Une cérémonie de remise des prix, c’est comme une visite officielle… C’est conforme. Ça donne des photos conformes… Alors, je passe rapidement avec deux moments clefs : Le Fauve d’or remis à « chroniques de Jérusalem », de Guy Delisle.

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La passation : Le président 2012 refile le bébé au président 2013 (Jean-Claude Denis)

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Et enfin la conférence de presse…

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Lors de cette conf. de presse, j’ai appris quelque chose d’important. Bon, pour tout dire, « important pour moi ». De la bouche de Benoît Mouchard, le Directeur artistique, j’entends donc que le festival possède dans ses archives une photographie qui prouve que contrairement à une pernicieuse légende colportée par Wikipédia, Osamu Tezuka a été très officiellement reçu par le Festival en 1982. Et plus précisément reçu par Jack Lang dans les Grands Salons de l’Hôtel de Ville. Je sais bien que ça intéresse assez peu de gens (vraiment peu !), mais pour moi, c’est une honte de moins !

C’est terminé. Je sors dans la nuit glacée. Je ne sais pas si j’écrirais un ultime billet sur ce Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2012, un billet de conclusion, à froid, ou si je laisse les choses comme ça… J’aurais aimé avoir plus de recul sur les événements, mais l’exercice m’a embarqué, et c’est peut-être bien comme ça…

fin

À suivre… peut-être…`

Billet précédent : BD dans la ville 7

0 comments

  1. Très chouette votre compte-rendu du festival! Je n’y étais pas cette année et vos images et vos commentaires m’ont permis de le vivre à distance. Vous avez mis le doigt sur quelque chose d’intéressant je pense au sujet de la (relative) absence des enfants. Et effectivement, le « mépris » du festival vis à vis de Tezuka est un mythe qui a la vie dure… Bravo aussi pour vos autres articles. Je partage tout à fait votre point de vue sur « Une vie dans les marges » (j’ai également beaucoup de mal à évaluer la valeur intrinsèque de l’œuvre étant passionné par la sujet et je doute fort de l’intérêt de l’ouvrage pour ceux dont ce n’est pas le cas) qui semble néanmoins être contredit par le prix à Angoulême cette année.

  2. Merci Julien ! c’est très rassurant d’avoir été suivi !

    Pour Tatsumi, j’ai très envie de faire une petite enquête auprès de quelques lecteurs de mon entourage… Pour voir si d’autres que nous ressentent ce « trouble du jugement » !

  3. Agréable résumé sur la Cérémonie du festival d’Angoulême 2012. C’est comme si on y était ! Belle retranscription de cette journée de la BD, votre style est simplement vrai. Cordialement.

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