« Un petit mot, juste un petit mot. Déjà oublié tout ce que j’avais prévu d’écrire, aujourd’hui. »
Ça, c’est la seule chose que j’ai écrite hier dans la nuit sans la publier. Passé une mauvaise nuit. Dans la soirée, j’ai terminé la publication des premiers mois de 2013 dans mon nouveau journal photographique. C’est bien comme ça, ça commence en janvier de cette année. C’est arbitraire, mais ça donne un peu d’élan à l’ensemble. Mais la chronique photographique, la vraie, commence vraiment maintenant, ce matin, avec l’iPhone, en balançant des photos à la volée. On va voir ce que donne cette chronique de ces jours-là. S’il en sort quelque chose, ou si c’est d’une pauvreté sans nom. Mais ça m’amuse de faire ailleurs le pendant à celui-ci, comme un miroir déformant, un rapport texte image distendu.
Je disais, passé une mauvaise nuit. Enfin, mauvaise pour le sommeil. Je ne suis pas sujet à l’insomnie, alors c’est toujours surprenant pour moi de mal dormir. C’est toujours lié à quelque chose. Hier, je me suis avalé une dose de rappel de ma vie d’avant. Claire m’a appelé au secours, pour un « problème », et après avoir papoté et promis un café ailleurs que dans leur bureau, je lui ai simplement glissé « maintenant, je suis payant ». Ensuite, passer voir Émilie, pour préparer la publication web des contributions à la journée d’étude. Mais, bien sûr, j’ai dû faire le tour et discuter, et ça m’a plongé direct dans cette boue ignoble dont je pensais m’être lavé. Tous me trouvent très calme. Au téléphone, Claire : « mais ta voix est incroyablement posée, tu es différent… » Oui. Quand Émilie me demande comment ça se passe, j’ai des larmes qui montent, et je ne trouve pas encore tous mes mots. Mais ça viendra. Ils me trouvent changé ? Mais parce qu’ils ne m’ont jamais connu. Et je suis encore en transition. La lumière vient, aveuglante.
Pour contrebalancer, dans cette journée, Lionel au téléphone, qui dit « je n’ai pas pu venir chercher ta voiture, je sors de l’hôpital… En revenant du Portugal, une douleur vive, plié, et direct la clinique ». Quoi ? Je lui raconte, lui dit que c’est une épidémie sans doute, et quelques minutes après, j’ai Loïc, de sa chambre d’hôpital, parce qu’il a dû y retourner d’urgence…
Je lui propose de prendre le bus et de conduite sa voiture, pour le ramener, si ça lui fait trop mal. Mais personne ne lui a dit pour combien de temps il en avait…
L’âge n’est pas une chose qu’on peut négliger. Ils ont plié le genou, tous les deux, à un moment de crise professionnel pour les deux. C’est étrange. Lionel a exactement le même âge que moi, à 4 jours. Loic a 5 ans de moins. Mais crise et problème physique à peu près au même endroit. Oui, c’est étrange.
J’avais mille raisons de partir. En voilà une autre. Nous traversons des âges troubles, et j’aurais dû attendre tranquillement la tuile comme ça, dans cet endroit sans issue ? Impossible. Qu’une tuile me tombe sur la gueule, ça peut arriver à tout moment, mais au moins, en l’attendant, j’aurais fait ce que j’ai a faire.
Pourtant, ce n’est pas à cause de ça que j’ai passé une mauvaise nuit. Enfin, mauvaise… Pour le sommeil, donc. Non, dans sa vie mentale, il y a des caps. Rien n’est homogène, et surtout, rien ne glisse tranquille. La vie mentale a sa propre logique, ses propres temps, ses propres accidents, ses petites escarmouches, ses victoires et ses défaites. Tout ça ne se voit pas de l’extérieur, mais vient perturber les choses, des relations sociales parfois et des sommeils souvent. Cette nuit était une nuit particulière, une nuit d’acceptation, une nuit étape, comme un col de montagne, comme le grain du Cap, comme un virage à négocier, quand t’es brusquement tendu, que tendu vers ça, concentré, que le danger et l’effort te rassemblent en un seul point. Voilà. Cette nuit était un moment bizarre comme ça. Une nuit où se dit un ferme « OK » et que maintenant, il faudra tenir compte de ça. Je suis revenu sur les événements, j’ai relu. Je vois la machine inexorable qui s’est mise en branle depuis des mois maintenant. Je l’ai vu démarrer, et j’ai su que c’était inexorable. La machine, ce genre de machine, ne s’arrête pas, quand elle est lancée.
Et donc, cette nuit, ce « bon, d’accord, j’accepte. »