Je m’étais promis de noter ici les prescriptions, sans projet particulier, pour peut-être plus tard regarder s’il s’y dessine quelque chose… Sauf qu’il faut en avoir le réflexe ! Là, c’est à moitié possible : je vois passer un retweet de quelqu’un que je ne suis pas par quelqu’un dont je n’ai pas noté le nom. Mais ce tweet disait en substance : « Chevillard a raison, « le puits » d’Ivan Repila c’est très beau ». Comme j’aime beaucoup Éric Chevillard (Chevillard que j’avais découvert par l’entremise de François Bon vers 2006 je crois), cette référence à son « avis » accroche peut-être plus mon attention que si… je ne vais pas citer de contre-exemple. Donc, je prête l’œil à la chose, au titre et au nom de l’auteur. Plus tard, je regarde que l’objet est de 2014, qu’il se trouve bien d’occasion et le commande. C’est toujours terrible de ne pas donner de droits à un auteur, mais je ferais ça quand je re-trouverais les moyens. J’ai perdu mon gros budget livre en changeant de vie, il y a 5 ans maintenant.
Bref, je lis « Le puits » d’Ivan Repila, relativement nouvel auteur, ancien graphiste de Bilbao, et… véritable écrivain. Le puits, en effet, c’est une petite merveille, étrange, compact, concept, vive, rapide, sèche et cruelle, fantasque aussi, mais surtout insaisissable ! Je ne suis pas fan des métaphores, des paraboles, des contes moraux et autres joyeusetés folkloriques, mais « Le puits » n’est qu’un pastiche du genre, un faux-semblant, une forme de canulars littéraire, qui de bout en bout nous laissera dans l’ombre du puits, sans jamais nous éclairer sur ce que le genre pouvait nous laisser espérer. Sa force tient dans cette suspension de la tension morale. Comme un muscle bandé, prêt à se rompre, l’écriture est entière tendue, sans relâchement, dans un effort inspiré pour nous faire sentir cet étrange cauchemar.
Je suppose qu’on peut l’interpréter (politiquement ?), mais franchement, tout reste heureusement trouble, répondant à la règle lynchéenne qui veut qu’on ne brise pas le mystère et contre toutes les lois idiotes des professeurs de scénarios. Chevillard a bien raison : jamais on ne comprendra, ce qu’on fait au fond de ce puits, mais surtout l’étrange plaisir de lecture qu’on y prend. Un mystère qui ne s’explique que par le talent de conteur de l’écrivain nouveau. Du coup… Je lis son livre suivant : « Prélude à une guerre ».
Notons quand même que sans la prescription par un réseau social, jamais je n’aurais lu un livre avec un titre aussi… Hum… Le titre original, « L’Enfant qui vola le cheval d’Atila », est moins commun, mais il ne m’aurait pas plus incité à la lecture. Je crois que j’ai un rapport bizarre avec les titres. Pour leurs titres (et peut-être leurs mauvaises négociations avec leurs éditeurs), il y a des auteurs que je ne lirais jamais. Souvent, je fais bien, le reste étant du même tonneau. Là, j’aurais eu tort.