Dans le cadre de « biiiip », me sont passés entre les mains les textes de « femmes battues ». Ce sont des femmes d’extraction socioculturelle très variées, et qui n’ont à priori aucune vocation pour l’écriture. En lisant leurs textes, ce qui saute à l’oreille est l’accord total entre le fond et la forme. Accord qui donne une force brute, massive, à leurs témoignages. Ces textes sont fondés, ancrés dans l’expérience, dans les situations, ce qui transforme ces femmes en expertes de leur propre situation, et expertes dans la manière de le transmettre. C’est une chose étrange, lorsque beaucoup de textes passent entre tes mains, de trouver ceux-ci plus fort, plus pertinent et plus valide d’un pur point de vu littéraire. Il n’y a pas un mot de trop, pas une phrase qui n’exprime exactement quelque chose dans sa forme et sa force absolue. L’émotion est irrépressible.
Et l’empathie totale, car il y a une froideur chirurgicale qui empêche de s’échapper par l’euphémisation habituelle de l’art. Tout sonne juste, et chaque rôle est campé comme aucun dramaturge ne pourrait le faire. Et jusqu’à l’ambition d’auteur, brusquement, chez l’une d’elles, qui extrapole sur se qui se serait produit si elle était « restée », si elle n’avait pas eu le courage de fuir, formule intelligente et imparable : « la première fois, le lendemain, j’ai reçu des fleurs, et aujourd’hui encore, j’ai reçu des fleurs, car hier je suis morte… »
Une leçon. Et une confirmation : l’écriture est d’autant forte qu’elle est fondée.