Mon pote Elric Dufau vient de m’offrir son dernier livre « Harpignies », qu’il a co-scénarisé avec François Darnaudet. Je savais qu’il y parlait de son ancêtre, le peintre paysagiste éponyme : Harpignies. Mais franchement, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Le récit bascule alternativement d’une époque à l’autre, passant d’anecdote de la vie du peintre du XIXe siècle à la chronique contemporaine d’un personnage fictif qui évoque pourtant très fortement le dessinateur.
Pour être parfaitement honnête, j’ai été peu sensible au prétexte du livre, la vie d’un peintre qui a eu son heure de gloire et dont on ne sait presque rien, mais beaucoup plus à la chronique d’aujourd’hui qui flirte avec l’autofiction. Même si la dose d’enquêtes franco-belges sur la copie de tableaux anciens vient éloigner l’album du genre. Pourtant, le dessin d’Elric, ligne ultra-claire, synthétique et d’une limpidité qui la rend presque transparente, porte à merveille les scènes intimes. J’ai découvert avec une certaine surprise un art subtil de la mise en scène des conversations de couple, par exemple. En bande dessinée, s’il n’est pas si simple de dessiner le dynamisme d’un coup de poing, il est encore plus difficile de rendre une conversation pendant laquelle les corps bougent peu, ou pas.
Et pourtant, je trouve que ses planches les plus graphiquement répétitives, toutes en élégantes scansions, sont les plus réussies. Et J’ai trouvé ça particulièrement ironique, de la part d’un amateur des classiques du cinéma américain, de se retrouver ici bien plus proche de Rohmer que d’Hitchcoq… À la fin du livre, j’avais envie de connaitre les aléas futurs de cette rencontre amoureuse d’aujourd’hui, bien plus que d’avoir des données historiques sur le vieux peintre. Et je me suis pris à espérer qu’Elric Dufau puisse à l’avenir trouver l’occasion d’user et développer cet art si rare de l’intime.