[Je vais quand même poster ce billet réflexif qui devait arriver avant le précédent, comme d’autres qui eux disparaitront dans les limbes numériques…]
Bien sûr, j’ai l’air ici de m’abandonner à une sale manie ronronnante. Et je dis parfois pour me défendre que l’enjeu est esthétique. Mais je sais bien qu’il faut alors à l’interlocuteur une sorte d’accointance avec ce genre d’enjeu. Et je me trouve élitiste, du coup. Mais est-ce plus clair si je dis que je travaille la narrativité de l’identité chère à Paul Ricœur ?
Pas plus, je n’ai l’impression que quiconque, ou presque, ne comprend le jeu étrange que joue ma série de photographie qui n’apparait que dans un album facebook, « des jours/des nuits », mélange donc d’exhibition et de fermeture, puisque facebook est un lieu relativement clôt quand on le compare au reste du Web. Ressassement maladif de souvenir ? Hum, il y a plusieurs niveaux, dont le premier, lié au suivant, est ce que j’appelle le jeu sur les connotions, par le jeu, encore, sur les esthétiques. Je m’amuse à tirer de simple photographie, parfois ratée, souvent ratée (encore que j’ai un problème avec la notion de photo ratée), une esthétique datée et plus ou moins reconnaissable, soit par tous, soit de manière plus personnelle. C’est donc encore un pur jeu esthétique. Mais le deuxième niveau est l’expérimentation de la théorie développée dans mon labo préféré, qui critique vertement la soi-disant indicialité de la photographie…. Pour faire simple, ce sont des images, donc construites, et non de soi-disant empreintes. Mais je me pique par ma relative maitrise de l’outil roi en la matière, d’effacer mon crime et donc de faire prendre des vessies pour des lanternes. La seule manière de comprendre le jeu, et la duperie peut-être, serait de comparer le fichier source avec l’image postée. Mais les choses étant toujours complexes, il y a bien sûr un niveau très simple d’autofiction (tricycle-fiction a-t-on dit avec Julien dans une conversation privée sur facebook encore). Encore une certaine narrativité d’une certaine identité qui s’écrit donc dans ce réseau social, avec très peu de commentaires, mais un jeu de dates et d’images un peu plus ambitieuses que de simples photos d’identité. Je construis lentement une figure de l’identité numérique plus ou moins fictive, ou plutôt, car ce n’est pas un jeu d’imposture, plus ou moins fictionnelle. Mais plutôt que fabriquer une identité à vendre, comme celle que j’incite mes stagiaires préférés à se construire parce qu’ils vont rentrer sur le merveilleux marché du travail, je me paye le luxe de m’en construire une vaste, complexe, exemple enflé de ce qu’on pourrait appeler une figure de l’auteur numérique. Pas franchement vendable, mais autrement ambitieuse. Ha, je ne me suis donc jamais départi du lien inextricable entre théorie et pratique a laquelle je tiens tant, et ceci représente sûrement l’une des caractéristiques majeures de mon identité « non » numérique qui reste à la fois conforme a sa silhouette numérique, et en même temps toute autre, cachée en partie, et donc relativement sanctuarisée.
Quelle différence avec le travail du romancier ?