Jeu sémantique implicite/explicite
Appropriation détournement.
Depuis 1999, je détourne des images pornographiques transitant sur le web. Le choix est rigoureux, selon des critères esthétiques qui me sont propres. L’idée est de rendre ces images, utilitaires donc explicites, inutiles et implicites, de les dé-iconiser ( l’icône, en tant que vecteur de dévotion, est une image « utilitaire » censée « présenter » la divinité. D’une certaine manière, un cousinage existe avec l’image pornographique en tant que support fantasmatique trancendental opératif) pour en faire des images, mes images.
Paradoxalement, le décadrage et le travail sur la matière même de l’image les transforment au point de les rapprocher de l’imagerie religieuse traditionnelle non iconique et plus largement de la peinture classique.
L’œuvre manifeste, déjà exposée, est un tirage numérique d’1m 40 de haut qui s’intitule « l’Échelle de Thérèse » et joue donc sur l’ambiguïté extase/épectase.
Mais pour les détourner, transformer, transfigurer, je ne m’interdis aucun des moyens plastiques du numérique. Elles doivent dévoiler leurs natures d’image numérique, par la mise en évidence du pixel, voire de la compression JPG. Elles doivent perdre leur utilitarisme en tant que support fantasmatique immédiat, mais « dévoiler », par la disparition de l’explicite, leur esthétisme classique et leur potentiel d’ambiguïté.
Les images choisies peuvent être doublement « corrompues ». J’ai une particulière prédilection pour les images corrompues par leur passage par le net. Lorsque certaines données manquent, l’image apparaît tronquée, voire voilée, parfois même superposée, à la manière des anciens ratés des photographies argentiques. Ces images-là sont les plus chargées, les plus aptes à dégager une aura fictionnelle.
Dans cette série, le rapport à l’échelle est important. Ces images sont conçues pour être imprimées à des tailles réservées à la peinture ou projetées sur écran. Il est évident qu’elles ne sont pas vraiment adaptées au net.