Deux fois déjà que Jason Shiga vient dans mon quartier pour une résidence d’artiste. La première fois, à partir de 2016, je m’y suis tellement bien pris que je l’ai raté. Cette fois-ci, avant qu’il ne reparte pour la Californie, nous sommes passés le voir avec Elric Dufau. Jason Shiga conçoit des livres complexes, à récit interactif, qui sont de véritables machines à fiction demandant un investissement du lecteur. Il les conçoit sans se préoccuper de leur future édition, car aucun éditeur n’investirait l’esprit léger sur un projet aussi couteux qu’un livre à système complexe à façonner. Il réalise donc des prototypes fascinants, comme le prochain double livre s’ouvrant pas le milieu qui permet au lecteur d’être soit lecteur actif, soit le scénariste du livre (c’est l’objet qu’il montre sur sa table à dessin). Si vous pensez, comme moi, qu’un récit est simplement linéaire, juste une accumulation d’événements successifs, Jason Shiga lui, visualise chaque livre comme un plan dynamique, ou chaque enchainement d’événements est ouvert sur plusieurs possibles. Cette succession de conditions rappelle fortement la manière de fonctionner de tout automatisme et surtout de l’informatique. Et ce n’est pas une coïncidence, puisqu’avant d’être un auteur reconnu et primé (il a obtenu deux fois le prestigieux Eisner Awards ), Jason Shiga était un véritable mathématicien…
Jason Shiga dans son atelier
Publié le 29 juin 2023