Aller, je vais encore devoir passer par l’anecdote, par une petite jérémiade personnelle, pour mettre enfin le doigt sur une chose récurrente qui m’énerve au plus haut point… Un étrange phénomène de contamination sémantique…
Donc, pour l’anecdote, je suis censé écrire une thèse de littérature numérique, et c’est un bien grand malheur ! En effet, dans littérature numérique, tous ceux que je croise entendent « numérique », et oblitèrent « littérature », de la même manière que lorsque j’ai écrit en 2007 un mémoire d’Art numérique, ils n’ont jamais, mais jamais entendu « art », alors même que ce mémoire était la continuité de mes anciennes études…. aux beaux-arts !
Et donc, on me reçoit souvent avec un « voilà l’informaticien » très mal à propos. Et rien n’y change, mes grommellements, « JE NE SUIS PAS INFORMATICIEN », semblent inaudibles.
En effet, je ne suis pas informaticien, et même pas geek, même si je regarde la Culture Geek de plus ou moins loin et avec plus ou moins d’attention, comme un des grands phénomènes contemporains. Mais ce qui est sur, c’est que je ne suis pas informaticien, et j’en serais d’ailleurs bien incapable ! Et donc, j’ai souvent tenté de lever l’ambiguïté, le malentendu faisant de moi un involontaire imposteur. Bien sûr, comme j’utilise l’outil, l’informatique, comme à peu près tout le monde sur cette planète, j’ai souvent pu dépanner, en disant distraitement « t’as essayé de cliquer là ? », et là, évidemment, c’est la fin… À chaque fois que je rends service, j’enfonce mon propre clou, juste parce que tous les logiciels sont foutus pareil, que la logique des interfaces est à peu près toujours la même, et pire, que la plupart du temps, il suffit de lire ce qui est marqué sur les belles métaphores de bouton pour savoir ou cliquer et quoi faire…
La situation devient encore plus cocasse quand au hasard d’une conversation, certains entendent deux trois phrases de moi, ou lisent quelques lignes, et disent « ha, tu t’intéresses aussi à ça ? » Sous entendus, pas qu’à l’informatique… Désespérant ! Comment expliquer que ma culture, c’est l’histoire de l’art, de la littérature si on veut, de l’histoire des idées, par vocation ET diplôme, et que dans tout ça, il n’y a pas une ligne de code ? J’ai essayé, en vain.
Voilà pour les jérémiades…
Et donc, le 28 janvier 2011, sur le site du Monde.fr, je clique sur « Les cyberactivistes d’Anonymous désemparés face au blocage », je complète : « de l’Internet égyptien ». OK, voilà un article qui parle de notre monde, de notre époque, de politique, de politique mondialisée, bien plus que n’importe quel papier sur… n’importe quoi… Et qu’est-ce que je vois en haut de la page ? LA RUBRIQUE !
Et quelle rubrique ? « Technologie ».
Malédiction ! Là aussi ! Dans cyberactiviste, voyez-vous, un « on » bien sympathique n’entend que « cyber » ! Et donc, allons-y de bon cœur ! on te colle ça dans « Technologie », comme trois lignes sur le dernier modèle d’iPhone ! Ce n’est pas mignon, hein, comme logique ? Alors, ouais, je suis sûr que certains d’entre vous se disent, quoi ? C’est de l’Internet, c’est de la technologie ! Mais oui ! Réfléchissons, dans quoi doit-on classer un article sur le Watergate ? Hein ? Hein ? Dans « Téléphonie » évidement !
MaLu
Et oui ! Ce n’est pas de jérémiades qu’il s’agit, mais de précision du langage contre le prêt à penser, le raccourci idiot. Il nous faut déjà oeuvrer sans relâche pour que les « on » sympathiques que vous évoquez cessent de confondre un outil (internet par exemple) et son usage (appels au meurtres et sites de rencontres) .
Bon travail !
Alain François
Merci MaLu. Oui, en effet, il y a du travail à revendre pour corriger les abus, les mauvaises habitudes, les facilités…