Cette affirmation péremptoire semble sûrement insensée, et pourtant ! Le nombre de livres que j’ai lu dans ma vie est infiniment supérieur au nombre de livre que j’ai acheté, et ceci, même si je n’ai pourtant pas lu tous les livres que j’ai achetés. Et ce simple fait semble également vrai pour nombre de personnes autour de moi. On peut donc en déduire que le «livre» comme phénomène culturel global est majoritairement gratuit.
Voilà un étrange paradoxe pour un produit si cher à fabriquer et diffuser.
Il faut alors un culot sans nom pour affirmer comme certains que « la gratuité c’est le vol », slogan qui au-delà de la trahison totale, du retournement pervers de l’échelle des valeurs qui a constitué notre civilisation, n’est que l’expression d’un idéalisme sans fondement. Et même si cet idéalisme est celui qui domine le monde, toute personne vraiment attaché au livre comprend l’envergure du scandale.
Est-il si difficile, sans connaissance historique précise, de se souvenir que la culture humaine s’est constituée sur la gratuité du livre, et non sur sa commercialisation ? Tout éditeur sait qu’un livre a plus de lecteurs que d’acheteur, que ce livre a plusieurs vies inattendues après sa première commercialisation. Que l’éducation même n’est possible à l’échelle de la démocratie que grâce à son pillage… Si le livre avait pu dès l’origine contenir des DRM, contraignant son usage à l’acheteur et surtout contraignant sa lecture, que serait donc l’état de la science aujourd’hui ?