J’ai pensé au goût d’Éric Tabuchi pour la part clandestinement culturelle du paysage lorsque je suis tombé sur cet article du Nº 22 (15 mars 1931) d’Arts et métiers graphiques, l’une des très belles revues anciennes scannerisées par Gallica.bnf.fr : « De la signalisation des routes ». La signalisation routière, une autre grande invisible du paysage visible qui pourtant est à l’intersection de grands enjeux d’urbanisme et de graphisme.
C’est d’ailleurs amusant de noter comment la synthèse rationnelle du dessin moderniste vient au secours d’un besoin nouveau de lisibilité à grande vitesse provoqué par l’usage massif de la voiture. Toujours intéressant de voir comment une contrainte triviale influe sur le style. Mais cet article est aussi la trace historique d’une domination nouvelle de la voiture automobile, et de l’adaptation du paysage à son usage de masse. Une adaptation qui a eu ses problématiques, ses enjeux qui tranquillement s’éloignent de nous par l’effet conjugué des GPS, de l’autonomie des voitures, et de la disparition même de notion d’aménagement du territoire…
Paradoxalement, le réseau d’information qui maille la planète et connecte les objets immobiles ou mobiles (et nous) pourrait bien ré-ensauvager le paysage, déconnectant son appréhension intelligente (la position géographique, mais aussi un nombre invraisemblable d’informations connexes) de son appréhension physique. J’ai donc cette impression étrange mais sans mélancolie d’ailleurs de lire cet article de la formation d’une époque au moment même ou celle-ci se termine lentement.
La source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9691391x