Le réverbère

Publié le 28 mai 2015

[dropcap]H[/dropcap]ier matin, en vélo, je me suis pris un réverbère. PAF ! Une seconde de distraction, et pas vu l’arrière d’une camionnette qui rétrécissait l’espace derrière les voitures garées.

C’était étroit, mais je pouvais passer. Si j’avais vu la chose venir, je serais passé tranquillement, élégamment même, en accélérant avec un poil de morgue et cette sensation si agréable d’avoir 12 ans. Mais la surprise m’ayant déstabilisé, j’ai donné un violent coup d’épaule au pilier de métal qui n’a pas bronché. Selon les lois de la physique, mon corps tentant de pivoter autour de cet axe trop fixe, ma hanche s’est écrasée lourdement à son tour. Par réflexe, mon poignet est venu frapper le métal qui n’a même pas crié. Je ne sais pas comment j’ai évité la chute, mais j’ai repris maladroitement ma trajectoire, bien conscient qu’il n’y avait plus rien de gracieux là-dedans… En m’éloignant, je ressentais encore l’onde du choc dans tout le corps qui s’additionnait d’une légère contrition morale.

Étrangement, il me reste peu de choses de ce petit accident. Une trace brune sur le poignet, une légère onde de douleur dans les lombaires et la hanche et une raideur dans la nuque. Le choc a suffisamment été réparti sur la hauteur du corps pour m’éviter les hématomes.

M’en fous, car dans l’après-midi, François Bertin de l’atelier d’en face (distance : largeur du couloir), m’a remis la première partie de son livre en chantier sous forme d’une liasse de feuilles libres. J’avais été très surpris, lors de notre première conversation, de découvrir des similitudes entre ce que j’avais écrit en avril 2013 et son projet. Je lui avais donné mon texte et j’avais récolté des compliments et même un enthousiasme qui m’apparut sincère. Très agréable.

C’était donc à mon tour de le lire. Et ces feuilles volantes m’ont apporté un vif plaisir. En effet, nous avons quelques souvenirs presque communs, ou cousins, et une même manière de découvrir sa libido. Et moi qui croyais avoir écumé mes souvenirs présexuels, la lecture de son livre en chantier m’a provoqué une salve de réminiscence ! Des choses enfouies, perdues, dont je n’avais même plus idée me sont revenues, ravivées, comme à 13 ans,  la ligneuse grande sœur de mon copain avec qui je jouais au foot, entraperçu dans leur salle de bain. Ou encore cette fois, bien plus tard, où j’avais dû dormir dans la chambre de la sœur d’un ami. Une chambre de fille, avec toutes les odeurs et toutes les textures d’une chambre de fille. C’était si troublant de se glisser dans les draps de cette absente à l’aura si forte ! Et d’autres souvenirs encore que je ne noterais pas ici, par pudeur ou pour les garder pour ailleurs, peut-être…

Oui, ma vie actuelle émaillée de privilèges peut bien supporter un réverbère trop inflexible ! En un seul après-midi, parcourir les charmants carnets de dessins de Giulia Sagramola, parler avec elle de la spontanéité du premier trait,

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Classeur de Giulia Sagramola

ensuite lire un gros chapitre d’une fluide, élégante et sensible bande dessinée autobiographique, et enfin terminer en discourant sur le roman et les personnages avec son auteur…

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2 pages du prochain livre de François Bertin chez Warum

 

 

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