Vendredi (5 décembre 2014), je suis passé voir Nylso à la Maison des auteurs (Angoulême). Sa résidence s’arrête à la fin du mois de décembre et je voulais le photographier dans son atelier avant son départ. Il est encore installé pour quelques jours dans un grand atelier collectif en sous-pente. J’aime bien ce 3e et dernier étage de La Maison des Auteurs, car les fenêtres mansardées barrent les photographies de grandes diagonales de lumières qui évoquent un décor de SF ou de film expressionniste.
À l’étage, les lampes sont éteintes et l’atmosphère parfaitement dix-neuvième. Il allume autour de sa table en lançant « Tu voulais voir, et bien voilà, il n’y a rien à voir ! ». Mais si, il y a toujours quelque chose à voir ! En attendant, je suis venu « voir » un dessinateur de BD, mais il tourne l’écran de son ordinateur et commence à faire défiler des images résolument non narratives. Juste, oui, juste des paysages composés d’accumulation de petits traits courts, comme un pointillisme ou une technique de gravure.
« Voilà ma série des cabanes »
Il fait défiler des planches A5 verticales couvertes de fluctuations de gris optique qui laisse circuler la lumière du papier d’une manière très fluide et naturelle. Il me parle de ses cabanes éponymes, parfois minuscules et perdues dans la page, mais je vois surtout les paysages, des paysages, des paysages… Des paysages qui semblent climatiquement qualifiés, tour à tour méditerranéens, continentaux, insulaires, ou simplement évoquant des bords de mer de sa Bretagne. Tous toujours très singulier dans la structure des sols, des roches comme de l’implantation de la végétation. Climatiquement identifiable, oui, mais fondu dans le flou de la circulation des blancs, de cette lumière qui joue de l’entièreté de la surface de la page en flirtant parfois avec l’abstraction. Je dois avouer avoir un faible pour ses dessins les plus radicaux, les plus abstraits justement, composés de massives formes géométriques.
De formation scientifique, Nylso me dit « Seurat pensait la lumière comme une convergence de rayonnement. Mais nous savons que la lumière nous traverse, qu’elle traverse tout ». Et c’est exactement ce qu’il dessine. C’est ce que je vois devant moi, ces flux de lumière qui serpentent sur la page, comme canalisés par des masses organiques de traits.
« Je me réveille entre 4 et 5 heures le matin, et c’est là que je dessine, ou dans les moments d’attente, tiens, comme celui-là, je l’ai dessiné dans la voiture en attendant ma mère qui est toujours incroyablement lente… Je fais ça depuis des années, alors je commence par dessiner ces petits traits, en nombre, et je laisse venir le paysage… C’est parfois d’après nature, mais souvent ce sont des souvenirs de mes voyages que je laisse resurgir ».
Je suis surpris : « Ha c’est du dessin automatique ? Proche du dessin de téléphone ? »
Il m’explique alors qu’il y a des éléments de syntaxe qu’il reprend et articule, comme les codes graphiques de la BD. Sauf que je distingue peu ces « éléments », car ils sont fondus dans un tout très naturel qui ne déroge pas des règles physiques du paysage réel. Ce qu’il confirme en parlant des formes toujours concaves des roches qu’il faut respecter si l’on veut qu’une masse ne ressemble pas à une « vulgaire boule ».
Ce n’est qu’après cette promenade à travers ses paysages imaginaires qu’il me montre enfin quelques planches de bande dessinée. Là, des personnages !
« Parfois, je les dessine à la loupe »
Dès qu’il y a des personnages, son graphisme évoque l’illustration anglaise ou américaine, et ceci même si sa manière de structurer l’image en redressant la perspective et en agençant une circulation fluide de l’œil évoque surtout la peinture orientale traditionnelle. Mais même dans la bande dessinée, l’aspiration au paysage est telle chez Nylso qu’on a l’impression que ces fragiles petits êtres doivent continuellement lutter contre l’absorption, la dissolution, la disparition dans le sol et l’atmosphère. Ce que me confirme une série de dessins sur lesquels le personnage est vraiment absorbé par le sol, à la limite de l’évanouissement définitif, comme un cadavre retournant à la terre.
À l’occasion de cette agréable rencontre, Nylso m’a donc montré deux clefs majeures de ses dessins :
— Les cabanes, petites et ramassées, souvent noires et fermées, des cabanes de pandore ou protectrice ?
— Et une aspiration profonde, massive, obsessionnelle et sensuelle pour le paysage. Un désir mystique de se fondre dans le monde ?
Le blog de Nylso : http://nylso.aencre.org
Nylso sur Romantic iPhone : http://romanticiphone.tumblr.com/tagged/Nylso
Un portrait de Nylso ici-même : http://bonobo.net/portrait-nylso-cafe-matin/
Portrait : Nylso au café du matin | BONOBO
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