Little Annie Fanny, après-tout, n’est qu’une bimbo de bande dessinée. Ses attributs sont normalement anormalement surdimensionnés, son vocabulaire est normalement limité, parfaitement adapté à son intelligence et son insondable naïveté s’évanouit seulement lorsqu’un homme désargenté tente d’assaillir son lit. Rien à priori de bien excitant… pour l’esprit.
Et l’on entend même quelques échos féministes s’élevant contre cette image de la femme en objet de très grand luxe. Pourtant c’est une fille qui m’a fait lire cette bande en m’en vantant l’esprit avec enthousiasme. Enthousiasme bien naturel puisque Little Annie Fanny est animé par l’esprit d’Arvey Kurtzman, l’inventeur du journal MAD, et donc le pape de toute la BD satirique mondiale. Sans lui, nous, Petits Français, n’aurions jamais feuilleté les pages bénis de l’Echo des savanes ou de Fluide glacial, journaux qui lui doivent presque tout.
Mais je ne vous invite pas à lire Little Annie Fanny par révérence empruntée envers un ancêtre vénérable mais néanmoins mort ! Il faut lire Little Annie Fanny parce qu’enfin on peut la lire en France, et en quantité, et parce que c’est simplement, modestement, truculeusement, héliumnesquement… jubilatoire ! Et des trucs jubilatoires, j’en ai pas lu tous les jours.
Par ces temps de retour au puritanisme et de conformismes moroses, retraverser les épiques années 60 et 70 guidés par elle, l’essence d’une époque, la mascotte du mythique PLAYBOY, est un pur et rare plaisir. Et si l’on vous surprend serrant les quatre superbe volumes de Little Annie Fanny, vous pourrez toujours lancer « Je révises mon histoire du vingtième siècle » sans mentir une seconde !
Little Annie Fanny, dessinée par Will Elder, est née du désir d’Hugh Hefner, créateur du journal Playboy, de travailler avec Harvey Kurtzman qu’il connaissait de longue date. Hugh Herfner, très autocrate, impose un traitement inhabituel pour une bande dessinée.
Elle sera entièrement gouachée en modelé, plus proche du style des illustrations d’humour érotique en couleur des magazines masculin que d’un style classiquement « comix ». Ce traitement presque contre-nature – Il « fige » la dynamique naturelle du dessin – lui donne un charme désuet très particulier qui lui confère une originalité supplémentaire. La compilation exhaustive de cette édition met en relief son esthétique dense et cohérente faisant acquérir à la petite bande périodique la dimension d’œuvre esthétique et historique.
Little Annie Fanny
chez « Hors collection » en français dans le texte et en quatre volumes :
– Volume I : 1962-1965
– Volume II : 1965-1970
– Volume II : 1970-1977
– Volume IV : 1978-1988