Monstre Guyotat

Publié le 12 janvier 2019

Immense Guyotat : « Les camarades, couchés sur des tas, certains shorts ouverts pour on ne sait quelle fille volante à l’organe chaud comme un four, chauffent leurs membres recrus aux rayons déjà rouges ; par le petit vent et les couloirs végétaux, l’odeur de la mer, plus puissante ici sur le bord africain, l’énorme masse de faune et de flore sous-marine, des épaves (de bois, de fer, de bronze, d’acier, d’argent, d’or de trois millénaires assurés), de l’autre côté, la liberté, la responsabilité retrouvée, et son accomplissement, chair, nerfs, muscles, os, organes, membres encore en croissance, cerveau, cœur, fatigue impossible, faim de vie, libre, espaces à franchir, connaissances, connaissance ; et très vite, hors d’Europe, hors d’Occident, hors langue maternelle, mort impensable pour soi ou héroïque, immunité du corps. »

C’est « Idiotie » de Pierre Guyotat, chez Grasset.

Si un animal écrivait, il écrirait comme Guyotat. Pour comprendre cette écriture, il faut comprendre qu’il n’y a pas une seule manière d’écrire, et que dans ces manières, il a encore une infinité de focales. Guyotat le dit, il ne voit rien, pas plus loin que le bout de son nez quand il enlève ses lunettes, alors il décrit tout ce qui vient à son nez, forme, texture et surtout odeur. Inutile de chercher une distance bourgeoise dans cette écriture là, non, et il faut accepter que le monde, un monde rétréci à l’immédiat, s’y déplie comme une peau qu’on explore du nez. Sensualité et même obscénité s’en exhalent. De l’humanité crue et du très grand art.

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