Monument national

Publié le 10 janvier 2022

Un dimanche morose, pluie froide dehors juste dans mon dos derrière la vitre, et moi content plongé dans le nouveau Julia Deck, Monument national ( Minuit 2022 ). Et moi, donc, ricanant malgré la pluie et le froid jusqu’à provoquer les moqueries de Céline à l’autre bout de la pièce. Après un rire plus sonore, elle me balance même « Ha, tu vois, le mec qui est fan de rien ni personne, hein, hein, tu es fan ! ». Moi ? Jamais ! Juste, je lis Monument national et je ris parce que c’est cruel, pas comme Chabrol ou Jelinek, non, plutôt comme… je ne sais pas, un mot édulcorant édulcorerait. Mais oui, c’est un poil plus en empathie avec la bêtise des personnages que chez les grands cyniques, mais. Sarcastique sans être carrément méchante, Julia Deck ? Peut-être. La chose se situe dans l’une des franges subtiles de la satire, mais on en viendrait presque à les plaindre, les personnages, à les comprendre dans le contexte. Alors, ce roman Monument national est une simple et belle structure en deux parties, symétrique, comme l’architecture classique : en arc de cercle, une présentation des personnages d’horizons sociaux variés qui vont converger vers le centre du livre et vers ce château ressemblant au Petit Trianon, machin qu’on imagine donc aussi prétentieux que kitch, acheté par un « grand acteur français » en fin de carrière. Et ensuite, quand tout le petit monde est bien arrivé là, coincé dans cette chose rigide que j’imagine pas si confortable, peut enfin se jouer le huis clos classique des polars ou des vaudevilles, mais qui tient aussi ici de la TV réalité. Julia Deck est une alchimiste sociale. Elle aime secouer sèchement des habitus divergents dans un espace trop étroit pour voir ce que ça fait. Ce que ça fait ? Ça fait rire et même ricaner, parce qu’il y a de quoi. Car ce Monument national en prise avec l’actualité est un monstre hybride fait de vils ingrédients des journaux people de ces dernières années, sorte de crossover entre la jeune pavillonnaire disparue et les terrrribles problèmes d’héritage des stars, comme si tous les sujets des différentes rubriques d’un journal à scandale se retrouvaient lié par une intrigue commune dans un lieu commun, ou comme si l’on racontait une histoire unique à partir des annonces-chocs d’une unique Une de ce genre de journaux : une jeune femme a disparu, des héritiers célèbres s’écharpent, untel couche avec unetelle, un scandale financier éclate, un virus nouveau et chinois vient foutre le bordel… Ça évoque, ça s’entrechoque, ça joue, c’est amusant, c’est subversif, c’est explosif et c’est jouissif ! Céline a peut-être raison…

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