Je termine la vaisselle en écoutant PJ Harvey à fond. Hier soir, j’ai lâché « je n’ai pas de goût musical, juste des dégoûts… ». C’était pas mal pour parler de mon étrange distance avec la musique. Juste ajouté que j’avais une prédilection pour les chanteuses, et par provoc, j’ai signalé à l’assemblée qu’il y avait Britney Spears dans mon iPhone… devant la grimace de Yann, j’ai même ajouté que les musiques étaient toujours très solides…
Bah, j’écoute n’importe quoi, en fait. Passé l’automne avec un album de Rover et cette semaine, j’ai mis une compil de Kitsuné dans l’iPhone, pour déambuler dans les rues humides… Ksenija avait tentée de m’interroger, sur mes goûts musicaux, mais à part lui dire que je n’aime pas Mozart et que je n’aime que Bach, « plus cérébral, plus conceptuel, moins décoratif et annonçant les structures abstraites du XXe siècle », un truc comme ça… Pas plus loin.
Rien à tirer de moi de ce côté-là.
La belle surprise d’hier soir, c’est quand Matt m’a demandé où en était ma thèse. J’ai commencé par lui expliquer mes réflexions intenses de ces derniers mois, et ensuite, puisqu’il est friand de blagues sur l’impérialisme américain, je suis revenu sur Disney… Savais-tu qu’il était d’origine française, me rétorque-t-il ? Non, je ne savais pas. Lointaine… Et brusquement en verve, je me laisse aller à décrire la thèse, et je fais de grands gestes, pour décrire le paysage historique que je parcours, et je place les choses, massives et solides, et ma métahistoire se dessine dans l’espace au-dessus et dans ma tête, et le schéma est impeccable. Yann, qui trouve souvent la faille des idées que je teste sur lui ne dit rien. Je le tiens, le paysage. Je me souviens de ce prof qui nous disait qu’il ne faut jamais rater une occasion d’en parler, car les choses se précisent et s’aiguisent, que c’était un très bon exercice, de devoir résumer en trois phrases une thèse à un interlocuteur non averti. Je suis au pied du mur et je découvre avec stupeur que les derniers mois que j’ai cru digressifs, si loin de mes recherches, ont permis aux choses de s’articuler, de se préciser, de fonder plus solidement les choses. Et je la tiens, mon histoire, là, entre mes mains, et chaque partie trouve sa place. Des zones imprécises, qui me donnaient un sentiment d’insécurité, parce que je ne les avais pas assez travaillés, tombaient maintenant sans plis. Je me tais brusquement, surpris. L’impression de m’être retrouvé, complet et présent. Et une sensation nouvelle de solidité. Je ne retournerais pas vers l’enfer…