Pendant une grosse décennie, Golo le dessinateur et Frank le scénariste ont collaboré à une œuvre commune : un long polar bien noir rempli d’une vie riche, grouillante et poisseuse. Futuropolis appelait alors le style de Golo « la ligne crasse », en opposition à la ligne claire de la BD franco-belge enfantine, mais en marquant ainsi ce que le dessin de Golo devait à Hergé. Pourtant, l’opposition entre ligne claire et ligne crasse n’était pas seulement esthétique, mais aussi idéologique : très loin de l’idéalisme des fictions enfantines « ligne claire », Golo et Frank avaient décidé de plonger leurs lecteurs dans un présent crédible. Les intrigues puiseraient à la source des polars contemporains et le décor et les personnages surgiraient directement du quotidien parisien des auteurs. Cette séquence noire comprend Ballades pour un voyou, Same player shoots again, Les noces d’Argot 1, 2 et 3, Le bonheur dans le crime, Nouvelles du front, Rampeau 1 et 2 (réédition NB de Same player shoots again) et enfin l’ultime collaboration, La Variante du Dragon… Frank est un scénariste culturellement puissant et intellectuellement très structuré, et la violence avec laquelle il campe ses personnages entre en parfaite résonance avec le punk hergéen de Golo. Le résultat est d’une homogénéité rare et ne peut être que le résultat d’une complicité qui tend à l’osmose. Ce grand polar de Frank et Golo est bruyant, plein de sang, de crasse et de sexe ! Et il est bruyant bien au-delà des onomatopées chères à la bande dessinée. Il y a, chez Golo et Frank (et Golo seul, plus tard, confirmera), une volonté d’immerger leurs personnages dans une ambiance globale, ambiance des rues, des bistros, du métro, et même des bus parisiens. C’est une bande dessinée à playlist qui égrène vieilles chansons des rues et pop-rock contemporain de l’action, qualité rare qui lui donne aujourd’hui une dimension quasi archéologique.
Relire Golo et Frank
Publié le 26 octobre 2016