Rousseau et moi

Publié le 8 septembre 2007

C’est quoi ? Une nouvelle série ? Après Mishima…

Je ne sais pas. Mais c’est surprenant que les blogueurs égotiques ne parlent pas plus souvent de Rousseau. Parce que si le système semble lointainement initié par les lettres de la Sévigné — « Les lettres de Mme de Sévigné étaient très prisées. Il arrivait à Mme de Thianges de faire mander par un laquais « la lettre du cheval » ou celle « de la prairie » pour en faire lecture… — c’est rousseau qui dit enfin le « je » sans détour. Du moins l’affirme-t-il : « Je me suis montré tel que je fus ». Nous sommes aujourd’hui dans un temps cynique, totalement, et toute confession s’est fondue dans la nasse des fictions.

À la radio, ce soir, un imbécile opposait encore journal intime et récit… comme une naïveté archaïque, sans spécifier de quel côté il parle, de celui de l’écrivain ou du lecteur. Pour l’écrivain, la vulgarisation de la psychanalyse, l’histoire des écrits, et l’histoire de la critique interdisent à l’auteur de se croire sous peine de naïveté. Et pour le lecteur, tout est récit, tout, et on pourrait même se laisser penser que pour le cerveau humain, tout est récit.

Rousseau fût contraint par les circonstances (réelles ou imaginaires, tant il est difficile chez lui de séparer la paranoïa des signes bien tangibles d’inimitiés) à cette extrême extrémité de la confession, ce qui deviendra un jour un genre à part entière, ce jour même ou plus personne ne sera dupe.

Mais ce qui m’amuse aujourd’hui, c’est la prévention naïve de son introduction. Alors même qu’il se livre, et donc risque d’être reconnu, il s’imagine se donner comme spécimen unique. Voilà l’ironie de la nature de l’espèce, qui à travers la culture, atteint au cœur son ambition. En se livrant, il est lu par des semblables, et son aspiration à l’unicité, à la plus totale singularité, est mise à mal par l’exercice même qui doit l’affirmer unique pour la postérité…

Rousseau raconte, en se racontant, quelques-uns de mes propres mécanismes intimes. Le voilà peu unique, à travers les siècles et à travers la multitude de notre espèce.

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