C’était il y a si longtemps… C’était l’été 2012, quelques amis nouveaux ou anciens étaient venus pour briser mes chaines. Ils sont passés comme on passe au cachot voir un parent malchanceux. « Que fais-tu là ? » m’ont-ils dit, en m’offrant à manger. Mais dans le pain, une clef. En me prenant par la main, avec une infinie douceur, j’ai été accompagné jusqu’à la porte. Et là, je m’y suis senti seul et abandonné. Plus l’habitude de l’extérieur, de l’air sur ma peau, des odeurs du vent dans mon nez. Un moment d’affolement. J’ai pleuré, comme un con, bêtement, avec cette envie de retourner dans ma geôle… Mais doucement, les souvenirs, les réflexes, les muscles, les sens… L’horizon… Avec encore la sensation des chaines sur mon coup, une pensée pour La Fontaine, et un premier pas timide, un autre…
J’en avais peur, depuis longtemps. Je savais depuis des années, peut-être des dizaines d’années qu’il fallait que je me tienne loin des phrases. Je sentais que c’était un fleuve qui m’emporterait. Que si j’y trempais l’orteil, comme ma primordiale noyade, je n’en sortirais plus ! Je sais ça.
Le fleuve. Trop longtemps retenu. Ma seule vocation.
Emporte toutes les digues.
Et alors ? De quoi avais-je donc peur ?
Sinon de moi-même.
Ma fuite est là. Ligne.