J’aime les rencontres spatio-temporelles. J’aime les coïncidences, les hasards qui avec le recul se transforment en fatalité. Sans en tirer aucune leçon abusive sur le destin, je prends plaisir à lire une histoire construite là où il n’y avait qu’amoncellement d’événements fortuits. Ainsi parfois des images se télescopent, se percutent, soit pour s’assembler pour n’en former qu’une, soit pour rester ainsi côte-à-côte liées par la promiscuité. Elles se compromettent alors à laisser suinter de leurs surfaces des sens étrangers à leurs natures premières.
Voilà des choses bien peu nouvelles!
Et je flirte avec délice avec les vieilles idées du surréalisme moribond. Mais c’est en collectionneur que j’en parle et le collectionneur n’a que faire de la modernité de son objet. Seul compte l’accumulation et le plaisir esthétique de la découverte.
Aujourd’hui, une pièce ancienne de ma collection trouvée il y a une quinzaine d’années. Je lisais beaucoup de Fantastique et en particulier les auteurs du dix-neuvième. C’est un joli hasard, morbide à souhait, mais joli ! Comme j’aime. Henri Rivière, auteur de nouvelles étranges et commandant de marine en est l’acteur involontaire. La pensée occidentale, longtemps dualiste, s’est échiné à nous couper en deux, projetant un des malheureux morceaux, l’âme (quoi ?), vers un hypothétique ciel tout en ancrant le bout de chair qui nous sert de corps sur le sol dont il était censé être issue. Henri Rivière, tout plongé dans son siècle, a écrit quelques nouvelles qui illustrent (et dissertent sur) cette façon de penser l’homme et son rapport au monde. Une de ses histoires, par exemple, raconte les mésaventures d’un militaire qui tente de débarrasser sa conscience du labeur de la gestion de son corps. En gros il tente d’être constamment « dans les nuages ». L’amour fera échouer son expérience. Rivière insinuant ainsi que les sentiments amoureux ne se situent peut-être pas là où les placent les poètes.
La deuxième image est l’illustration du dernier épisode de la vraie vie de Henri Rivière, car sa vie fut digne de ses romans et sa mort, surtout, et évoque irrésistiblement les illustrations des romans d’aventures pour la jeunesse de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle. Variation sur Faust, la jeunesse perdue, le rajeunissement, il pourrait accessoirement servir de conte moral pour l’édification de nos contemporains adeptes du lifting… [inachevé]