Il a recommencé, Christian Garcin ! Voilà donc Le Bon, la Brute et le Renard (chez Actes Sud), troisième aventure de Zuo Luo, ce Zorro chinois qui sauve très paternaliste, de sa masse, muscles et compétences, les jeunes filles de l’exogamie barbare et mercantile. J’en avais déjà parlé ici, mais je dois bien accepter aujourd’hui que je me suis fourvoyé, et que pour comprendre le jeu, il fallait peut-être délaisser les théories de la littérature pour lorgner sur les délires para-physiques des sciences-fictions, multivers et compagnie. Hum… Et voilà même qu’avec ce troisième épisode surgit ce quatrième mur cher au théâtre ! Et ce mur, plutôt que brisé, est soupçonné, comme ce prêtre de Fleabag qui pressent « quelque chose » à chaque fois que Phoebe Waller-Bridge s’adresse au public à travers l’écran. Christian Garcin continue donc à jouer des continuums, sans avoir l’air d’y toucher, à coup de gigogne par ci, d’entrelacs hypertextes par là, comme il polarde de la même manière, du bout des doigts, par touches légères, sans le noir profond indispensable au genre, inventant au passage une hybridation très personnelle.
Cette trilogie composée de Des femmes disparaissent, Les nuits de Vladivostok et Le Bon, la Brute et le Renard, devient un cas d’école, de genetterie baroque dans le texte : le premier Zuo Luo sait qu’un livre a été écrit sur lui par un écrivain chinois velléitaire, le Zuo Luo du troisième nie avoir jamais mis les pieds à Vladivostok (le second), et partage le livre troisième avec l’écrivain du premier roman dans le roman, qui croise à son tour un écrivain français nommé… Christian Garcin… Une belle pelote bien emmêlée, et un beau bordel paratextuel puisque changement d’éditeur (Verdier/Stock/Actes Sud) à chaque épisode, ce qui promet un passage compilé compliqué. Pourtant, les trois en un, ça aurait de la gueule et ça influencerait sûrement la lecture. Pour m’y retrouver, j’ai failli dessiner un schéma… Et puis non.
Je ne suis pas un forcené de la structure, loin de là, mais je dois avouer que les jeux malins de Christian Garcin m’amusent justement par leur détachement même et par cette sorte d’élégance qui traverse d’ailleurs tous ses livres. Il ose un structuralisme ludique, léger, qui a l’art de me charmer et de me faire accepter de bon gré les déambulations hasardeuses de personnages de genre amputés des ressorts des genres. Et comme les ressorts m’ennuient, ça tombe bien.
Il reste ce systématisme de la fille perdue. Faute de goût ? Cliché assumé ? Ultime plaisanterie méta ? Puisqu’après tout la majorité des polars use jusqu’à l’ennui de la fille morte ou disparu. Et bien ce dernier opus répond à la question, de ce sujet trop récurent pour être honnête, par une double blague qui sonne comme une critique maline du patriarcat et même comme une démonstration du rapport pervers et parfaitement idéologique que les fictions paranoïaques entretiennent avec le réel. Mais là… Je vais m’abstenir de trop en dire.