Une surprise (de Tanguy Viel, aux éditions de minuit). De ces surprises de plus en plus rare, puisque qu’il m’est de plus en plus dur de lire n’importe quoi comme ça vient., et de plus en plus rare, donc, que je rentre dans un livre. Alors une surprise, d’accrocher tout de suite et d’être entraîné, par une simplicité, une évidence, et quand même par l’écriture qui roule comme des galets sur une plage bretonne quand la mer forci. Une drôlerie aussi, mélange subtil d’amertume, d’autodérision (élargi de soi à « la famille »), de fausse naïveté, d’oscillation entre sophistication et rusticité.
Parfois une phrase comme ça
« La brume, à cet instant, ce n’était plus que les Gitanes sans filtre que mon père allumait l’une sur l’autre au milieu de quelques phrases absentes, très absentes même, puisque je crois qu’on ne s’est pas parlé du trajet, comme rendus plus silencieux encore par la mer endormie qu’on longeait maintenant sur la seule route tracée qui sillonnait la dune, où chaque rocher dressé à la surface de l’eau semblait comme une stèle apaisée à la mémoire du vent. »
Si je dis qu’une phrase est meilleure s’il y a du vent dedans, je risque d’invoquer de mauvaises choses, des choses forcées et même peut-être vulgaires. Pourtant, je le pense là, pour Tanguy Viel, Brestois face à la mer. Pour cette figure de père, son rire fou la gueule au vent. Pour cette figure terriante de mère-Gorgone dont il ne faut pas affronter le regard. Oui une surprise.