Werner Gothein (1890-1968) est un expressionniste allemand mineur, ayant sévi dans les Arts appliqués, membre de Die Brücke et proche de Kirchner.
Ce qui m’intéresse ici n’est pas la nature même de ses images, leur radicalité synthétique inspirée des années 20, parfois superbe et parfois un peu pauvre mais dont il n’est pas le seul dépositaire, et qu’on retrouve très représenté dans les années 50 et jusqu’à aujourd’hui, mais l’inclinaison de l’artiste, qui dès le temps de la 2e guerre mondiale, et contre l’esthétique nazie, s’est consacré à la gravure, aux multiples, et enfin, jusqu’à sa mort, à la production de séries plus ou moins narratives dont la finalité étaient clairement le livre. Cette production de petits livres d’artiste qui fait de lui l’un des précurseurs de la scène si vaste de la micropublication contemporaine…
Évidemment, cette « scène contemporaine » lorgne en général aussi sur les publications des avants-gardes, pour l’esprit, mais la spécificité des publications de Werner Gothein, c’est leur étonnante modernité esthétique par leur dépouillement paratextuel même.
Werner Gothein semble avoir produit de très petits livres qui oscillent entre simples séries d’images thématiques et romans graphiques à la Frans Masereel (ce qu’il semble revendiquer), tiré à 500 ou mille exemplaires, avec parfois un format très proche du A6 si couru aujourd’hui et dont l’esthétique noir et blanc dépouillée s’éloigne d’ailleurs de son expressionnisme Kirchnerien d’origine. C’est donc un ex-expressionniste qui reste actuel par une production livresque minimaliste. Un comble !