Arts incohérents : quand la satire invente

Publié le 24 juin 2010

Une blague est un soufflé facile à crever. Moi qui aime les tout petits livres d’art, je me suis planté avec ce machin moche des éditions de la nuit. D’un sujet éminemment important, de l’instant ou apparaissent de nouvelles formes, comment et pourquoi, et l’inattendue manière de produire une généalogie, Sophie Herszkowicz nous pond un nième caca nerveux réactionnaire. Le sujet du titre, au premier degré, reste passionnant, mais le vrai sujet du livre, le pamphlet contre l’art contemporain n’a, comme d’habitude, aucun intérêt. Ça ne mange pas de pain de s’énerver contre un semi moribond, c’est facile, surtout en bloc. le livre s’ajoute donc à la bibliothèque pléthorique d’éructation contre un art qui, contre toute attente (car pour moi il est éculé, essoré), reste scandaleux pour le bourgeois commun, et donc, garde toute son efficience. On en est encore là ? Fascinant.  

Il fallait donc entendre le titre à double sens, comme une petite tromperie très duchampienne : historique et ironique. Le livre fini par dire ce qu’ils disent tous : « ce n’est pas de l’art » ou autre « c’est de la merde », sans se rendre compte que leur définition de ce que ça n’est pas et donc de ce que c’est vraiment (le kitch, la production en série, le marché) disqualifie au passage bien des époques, comme la production à la chaîne des natures mortes pseudo métaphoriques au XVIIe si cotées pourtant, ou la peinture purement commerciale que produisait Courbet pour le marché anglais et allemand, ou encore une fois, la grande production d’impressionnisme ou de cubisme édulcoré, ou tout autre production de déco bourgeoise de toute autre période… Il y en a tant qui pourtant trouve toujours l’aval des réactionnaires et trône en toute sécurité culturelle dans les musées ! Enfin, lorsqu’on découvre que la haine s’acharne sur trois vedettes, Duchamp, Klein et Koons, on comprend rapidement d’où ça vient et à quoi ça se réduit : une gentille lutte des classes… Ou plus précisément l’expression pas franchement digne de la frustration d’une petite bourgeoisie locale depuis longtemps ringardisée par une grande bourgeoisie mondiale. Pôvre ! Je ne suis pas concerné. 

Mais l’absurdité de la thèse va jusqu’au contre-sens, et le contre-sens devient malsain quand il compare l’ironie grotesque de l’Art contemporain, sa poésie clandestine pour tout goût grossier et son humour souvent plaisamment malsain, avec l’esthétique totalitaire, idéaliste, très sagement figurative, qui plaît à tous et ne dérange personne. L’imagerie totalitaire est populaire et publicitaire. Elle est faite pour ça. Et donc, le totalitarisme est exactement là, dans le goût vulgaire des contempteurs d’un Art contemporain inégal, critiquable, épuisé même, mais qui lui, contre toute attente, continue d’être subversif et donc éminemment impopulaire. Ce qui est toujours bon signe. Et ce que prouve le livre par l’absurde.

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