Je lui dis : « tu ne trouves pas que c’est un paradoxe du temps ? Non ? Que la musique soit bonne toute l’année sauf le 21 juin ? »
Elle me répond : « parfois… Tu es particulièrement réac, non ? »
Je réponds, « je ne sais pas trop, juste que l’idée m’amuse, et quand ça m’amuse, je ne résiste pas à une idée, même niaise ».
Un tour de ville, pour voir ce qui se prépare ce soir.
Un dessin maladroit sur un pare-brise de voiture. Un étrange message ?
Arrivé devant le théâtre, je suis saisi par une scène : à ma droite, un groupe de jeunes gens, entre 18 et 20 ans, cheveux mis long, coiffé en casque, esquisse un rock, des filles alignées sur un banc loin derrière matent ces mecs trop séduisants avec leur guitare. De mon côté de rue, devant moi, un type arrêté sur une moto vintage, légère, une 125 peut-être, avec une fille à l’arrière. Il a une moustache et reste stable sur ses jambes écartées, regardant le groupe de rock, l’ensemble de la scène sous les arbres ensoleillés, les vieilles pierres. Je ne sors pas l’appareil photo. Non. Mais je vois, si je cadre comme ça, là devant, je passe ça en noir et blanc, et j’ai un parfait cliché du milieu des années soixante. Je souris de cette hallucination, et je souris de ces gens qui rejouent la vie de leurs grands parents.
Et je me souviens de Levi-Strauss, de ces peuples qui répètent des formes dont ils ont perdu la signification, de ces traditions qu’il identifie comme un savoir oublié, un sens perdu, et je me demande combien je vais encore vivre de retour du rock, vide d’âme, toujours réinventé à l’identique, cette musique de mon père dont j’ai vécu une mort pendant mon adolescence.