Alors, alors que les tourments égotistes m’entrainent bien loin de mes résolutions, alors que je peine à sortir de moi, de ce mouvant de l’être qui absorbe tout, la vie historique avance, tranquille et fiévreuse à la fois, vers d’autres cieux. Le pays où j’habite, anciennement historique, est aujourd’hui un faubourg tranquille, un lieu de villégiature pour retraité. Mon ami chinois y vient pour se reposer, penser à deux choses, discuter avec moi, avant de repartir chez lui, avant de s’ennuyer, au cœur de la vie, cette palpitation qui nous a quittés. Ce pays miens fut au cœur du temps, mais depuis le milieu du siècle dernier, il avait progressivement ralenti, ralenti, jusqu’à s’immobiliser dans un tremblement, dans ce tremblement collectif qui mit au pouvoir un gouvernement populiste, gage de l’immobilité, et même d’une lente, mais inexorable glissade en arrière, un arrière mythique, géographiquement désaxé, qui n’a existé que dans les fantasmes d’Amérique d’une petite bourgeoisie adolescente à la charnière des années 70 d’un siècle résolument passé.
Pendant ce non-temps, pendant que je cherche mon filet d’air dans ce lieu poussiéreux, des gens soi-disant anhistoriques, on décidé, pas tant de se débarrasser d’une caricature de dictateur, mais de contrarier ma petite bourgeoisie à moi, bien locale. En effet, franchement, qu’ont-ils tous à vouloir contredire nos sommeils cérébraux ?
« Ça ne peut pas être vrai, hein ? L’Amérique domine toujours le monde ? Non ? La Chine ne peut pas posséder la dette de mes maîtres ? Non ? Dites ? Non ? Les Tunisiens, “ces gens” incapables d’histoire, ne peuvent faire une révolution meilleure que la nôtre ? Non ? Dites-moi ? Ils sont manipulés, hein ? Non ? Par l’Amérique, hein, qui joue encore son jeu ? Hein ? Non ? Non ? NOOOOOOOOOOOONNNNN ! »
Réveille-toi, ton costard est trop grand pour toi, regarde-toi ! Regarde-toi, aussi fier que ridicule, suffisant et aveugle, regarde-toi ! Ouvre les yeux et regarde, regarde, regarde-toi, ou penses-tu que cela te mènera de copier maladroitement d’aussi mauvaises qu’obsolètes solutions ? Ton cowboy d’idole est un con, grand, mais con, d’une connerie à la mesure de sa taille et de son appétit, et toi, minuscule avorton, tu n’as même plus faim ! D’ailleurs, tu n’as jamais eu d’appétit…
Que le ridicule tue, je prie une fois, une fois dans ma vie, pour que le ridicule tue !