Anecdotes amusantes de la Chine antique

Publié le 12 juin 2021

Je n’ai aucun souvenir d’où et quand j’ai pu glaner ce livre des années 80 un peu ingrat, mais curieux, et qui égraine en toute tranquillité 100 anecdotes humoristiques de la chine anciennes illustrées, du IIIe au XVIIe siècle. L’Histoire chinoise nous est toujours vertigineuse. Sa culture tout autant. Et je n’imagine pas un équivalent occidental : Anecdotes amusantes du IIIe siècle (« l’occident » c’est encore l’Empire Romain) au XVIIe siècle (règne de Louis XIV en France)… ça n’aurait aucun sens. Une telle continuité culturelle nous est inconnue. Ce qui pour nous a encore moins de sens, c’est le mélange sans ordre de blagues à toto version chinoise antique, de petites fables traditionnelles, de mots d’esprit, d’anecdotes plus ou moins historiques et de scènes extraites de roman… En particulier, il me semble avoir reconnu des références au « Rêve dans le pavillon rouge » dont je possède une édition. Cette salade des genres est aussi étrange que l’humour, parfois, dont la décontextualisation peut avoir brisé le ressort. Mais pas toujours, heureusement, et l’ensemble est plaisant et démontre même, à travers l’ampleur temporelle de la sélection, l’universalité de l’esprit. En particulier l’absurde (et la bêtise jusqu’à l’absurde) fonctionne encore très bien, comme cet homme qui chutant pour la seconde fois, se dit que s’il était resté au sol la première fois, il n’aurait pas risqué la seconde chute. D’après la préface, le recueil doit « ridiculiser les mandarins corrompus et critiquer les prétentieux et les vaniteux », mais la cible est bien plus large et moins militante qu’il n’y paraît. Oui, l’ancienne administration impériale, qui encourageait proverbialement la corruption des moeurs et des âmes, en prend pour son grade, mais la bêtise moquée n’a pas de classe sociale, et les très humbles, qu’aimait défendre le dessinateur toujours selon la préface, ne sont pas épargnés. Loin de là. Ils prennent même largement leur part de ridicule. Dans ce livre, tout le monde est bête, voleur et vénal, tricheur et menteur. Ce n’est donc pas tout à fait la critique de l’ancien régime annoncée… Le régime nouveau, d’ailleurs, d’où parle le livre, a fortement malmené le dessinateur Ding Cong ( 聪 丁 1916-2009 ), dit « petit Ding », et s’il a artistiquement survécu au XXe siècle, c’est par une forme de miracle de la persévérance. Après une longue carrière de dessinateur de presse, Ding Cong fût par deux fois écarté de sa vie et envoyé élever des porcs : pendant trois ans en 1957 et pendant 13 ans, 13 ANS ! à partir de la révolution culturelle. Il ne sera réhabilité qu’en 1979. Suivra une période prolifique dont fait partie ce recueil. Ding Cong semble être, tout simplement, un esprit éclairé et équilibré s’amusant, non (ou pas seulement) d’une bêtise passée d’un système injuste, mais de la bassesse commune de l’humanité. C’est surtout un très beau dessinateur, maître des pleins et déliés au pinceau, au style rond, clair et élégant. Pour ce qu’on en voit sur le Web, ses dessins de presse ou ses portraits semblent bien meilleurs que les illustrations assez convenues et premier degré de mon recueil. Même si elles datent de sa reprise d’activité après sa réhabilitation de 1979, je soupçonne la commande d’éditeur ou le travail alimentaire… Mais je suis content d’avoir sous la main cette trace exemplaire d’une belle vocation contrariée, mais têtue…

Autoportrait de Ding Cong 聪 丁

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