Il faut un certain courage, aujourd’hui, pour faire gag avec nos bêtises ordinaires et surtout avec ce qu’on balance parfois sur un coup de tête (sic !) dans certaines situations communes, et en particulier dans les dialogues amoureux. En effet, le contemporain tatillon et facilement diplopique est prompt à confondre une saillie (sic !) d’un personnage de fiction avec le discours de l’auteur. Avec Romance, Elric Dufau joue clairement avec le feu. Tant pis pour lui, tant mieux pour ceux qui veulent rire de tout, de nous et de lui aussi, car malgré la sobriété de la forme et l’absence de sobriété des dialogues, on sent bien l’observation, et parfois même le vécu. Ainsi, il se sert d’une forme hautement moquable de ces romances US des années 40 pour se moquer de tout et tous en dialogues amoureux, ou pas. Ça rigole gras et ça grince contemporain.
À noter quand même une dimension assez amusante et quasi clandestine de retour historique à l’envoyeur, de métadiscours sur l’exploitation d’une esthétique BD par la peinture, retournée ici par la répétition et la standardisation oubapienne des vignettes, et largement épaulée sous cet angle par la mise en couleur et en trame de Thierry Leprevost, qui, clairement, s’amuse des vieux codes BD/picturaux avec bonheur. Le jeu de Roy Lichtenstein était une forme de stérilisation des inventions du genre, un embourgeoisement d’une forme vernaculaire. Avec ce petit livre un peu sale, Elric Dufau redonne la parole aux personnages, même si parole actualisée, et les rend à leur éthos premier, dans la BD populaire.