la femme-félin, figure zoomorphe transculturelle

Publié le 10 août 2010

« L’amour est la plupart du temps un sous-produit du meurtre »
Agatha Christie

Notes du 9 août 2010

Mes enthousiasmes désordonnés naissent généralement d’une simple coïncidence. Ainsi, de la coïncidence de deux recherches concomitantes — sur le photographe Charles François Jeandel, qui m’obligeait à lire les publications des psychiatres de la toute fin du XIXe siècle, et d’une folie aussi compulsive qu’éphémère pour le comics US des années 40 — est née une brusque accumulation d’informations sur la persistance transculturelle d’une association symbolique, celle de certaines « femmes » et de certaines qualités que l’on prête aux félins.

Fin 2008, le même jour, j’ai croisé dans une vieille bande de Mandrake une femme-felin (« La comtesse mystérieuse », une charmante aventure de Mandrake datant de 1946) évoquant fortement la CatWoman de DC comics, et découvert avec stupeur que des « femmes chats » avaient réellement existé dans les asiles du professeur Charcot… J’ai créé un répertoire sur mon bureau, et j’ai commencé à y déposer les femmes-chattes que je croisais. En très peu de temps, c’est devenu une collection conséquente, qui traversait les genres du XXe siècle comme la littérature du XIXe.

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Au-delà de l’hétérogénéité des sources appartenant à des contextes culturels très différents, il semblait que le commun était l’identification précise d’un ensemble de comportements animaux, du félin en général, qui semblait s’associer « naturellement » avec des comportements et qualités prêtées tout aussi couramment à certaines femmes. En enfant de mon époque, j’ai instantanément inscrit cette persistance dans le cadre de la longue histoire de la misogynie, misogynie qui me semblait pourtant avoir elle aussi une histoire propre et des manifestations très diverses, dont la version moderne pourrait, par exemple, dépendre par la similitude des rhétoriques, de la matrice des idées raciales. Autre sujet…

Pourtant, je ne pouvais nier une certaine persistance structurelle, et ceci, malgré des contextes aussi différents que l’antiquité et la bourgeoisie du XIXe siècle par exemple. Quelle que soit l’époque, nous restons dans le cadre de la pensée magique, du symbolisme le plus primaire, et quel que soit le contexte et l’usage du motif, déesse ou sorcière, prostitué ou superhéroïne, les comportements félins sont toujours choisis pour la même raison : une certaine propension à la schizophrénie…

Je peux déjà dire que j’y ai deviné, au-delà le la persistance du motif, un schéma historique qui montre, après une parenthèse rationaliste et la domination d’une culture élitiste et bourgeoise au XIXe, un renouveau au XXe siècle de l’imaginaire populaire. Pour être rapide, l’imaginaire, au moyen âge, se termine au bûcher, au XIXe, à l’asile, et au XXe dans la bande dessinée… On pourrait aussi y lire le différentiel historique entre les États-Unis et l’Europe, et donc l’effet du déplacement des grands pôles d’influences culturelles. Ce retour à l’imaginaire au XXe deviendrait l’indice de l’influence nouvelle d’une culture n’ayant pas vécu la parenthèse du XVIII et XIXe européen, et donc pas ses conséquences dramatiques au XXe, et étant passé pendant ce même XIXe, directement d’une culture religieuse et provinciale, inféodée largement à l’Europe, à l’identité et à la modernité sans changer de mentalité, largement rurale, ou tout au moins proche de la nature. Ceci pouvant être illustré aussi bien par l’Histoire de la littérature américaine, comme celle de sa BD : Le héros européen est majoritairement bourgeois, le héros américain, un paysan (le « fermier James », matrice du roman américain), voire un « hillbilly », un cow-boy, un clochard, un enfant cradingue, etc.

Je peux aussi déjà dire ce que je n’y ai pas deviné, car pour être bien compris, je dois ajouter que je n’ai pas particulièrement le réflexe réactionnaire, et donc, de l’observation d’une toute apparente quasi-universalité d’un joli mariage symbolique, je ne tire pas de conclusion sur ce qui est ou devrait être, pas plus qu’on ne peut tirer de conclusion sur la forme de la terre de la croyance quasi universelle (dans l’histoire) en sa platitude.

Cet article s’insérait dans un projet plus vaste intitulé « figures zoomorphes de la séduction fatale ». Mais je doute avoir le temps de me consacrer à d’autres petites bestioles aussi sympathiques que les araignées et vampires…

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la femme-félin

Je suis vraiment obligé de dédier cet article à Sarah Fist’hOle. Pour l’Afrique, un grand merci à Émilie Salaberry !

En introduction et pour se débarrasser des divinités anciennes, qui symbolisent souvent un principe et son contraire avec une décontraction qui finit par les rendre incompréhensibles, une petite citation de Baltrusaitis :

« L’identification de l’homme et de la bête remonte aux plus lointaines origines. Elle a donné naissance aux fables et aux dieux de toutes les civilisations anciennes. Elle est intervenue dans les systèmes des connaissances de la nature morale des êtres par l’entremise des apparences physiques »

Jurgis Baltrusaitis, Les perspectives dépravées, Champs Flammarion.

Voilà bien pourquoi je ne me résignais pas facilement à écrire sur l’identification de la femme au chat : « la nature morale des êtres par l’entremise des apparences physiques » enferme la femme-félin dans le cadre de la qualification morale des apparences physiques, nous plongeant en pleine histoire de la physiognonomie et en arrière champ, du racisme. L’association femme/chat se situe tout autant dans l’apparence, le comportement physique, que dans ce qui est reconnu du comportement moral du chat. Et c’est un ensemble de caractéristiques physiques et comportementales animales, notoires, sur lesquelles on appose un jugement moral définitif qui caractérise cette association. Et c’est bien ce jugement moral qui pose problème lorsqu’on l’applique à une « certaine catégorie de femme ».

Malgré tout, ne pas être à l’aise avec les préjugés ne signifie pas qu’on puisse effacer la longue histoire d’une imagerie, de la même manière que nous sommes déniaisés aujourd’hui de l’assimilation quasi systématique du fourbe au grand nez avec une judéité implicite dans l’imagerie populaire. Et ces codes graphiques sont si profondément inscrits qu’on trouve encore cette facilité naso-sémantique dans l’imagerie populaire contemporaine. La conscience morale ou politique ne semble rien à voir à faire avec le mécanisme de perpétuation des motifs-poncifs, si entropique que malgré des décennies de discours antiraciste, le cinéma Hollywoodien, par exemple, continu à « sacrifier le noir de service » quasi systématiquement, tant et si bien que lorsqu’il ne meurt pas, on le remarque tout de suite. Encore en 2007, dans « Je suis une légende », nouvelle adaptation du roman de Richard Matheson de 1954, on peut imaginer tout le long du film qu’ici, le héros peut être noir… Mais à la fin, sic, il finira par se sacrifier pour que la « blanche » survive, dévoilant ainsi la parfaite survivance du tropisme ethnique des scénaristes hollywoodiens, qui ne peuvent imaginer la « race humaine » autrement que « caucasienne ».

Peut-être trouvera-t-on abusif d’accoler les grands signes de racisme avec une figure de femme-chatte à priori agréable, sympathique et revendiquée autant par certaines femmes qui s’y retrouvent que par le fantasme des hommes. Mais j’ai toujours trouvé étrange, en matière de racisme, cette occultation de la première altérité moralement qualifiée, la différence de genre… Comme si en la matière, la réalité collait aux préjugés, alors même que l’expérience quotidienne prouve que ces «qualités féminines» et «masculines» ne collent à peu près jamais avec les individus réels de l’espèce humaine et sont souvent étrangement partagées. On retrouve ainsi bien plus ces mythiques « qualités féminines » incarnées par les travestis que par la plupart des femmes. Encore une fois, l’inertie du symbolique au détriment de la perception du réel est une grande constante. Et c’est une force telle qu’elle pousse à fabriquer le réel à son image. Cette volonté de conformer le réel au symbolique serait à interroger ailleurs, dans le cadre, par exemple, des grandes expériences totalitaires du XXe siècle. Entre les structures patriarcales, et peut-être même les structures de toute société, et les expériences politiques extrêmes du siècle passé, les mécanismes de manipulation symbolique du réel se ressemblent étonnement.

Une bestialisation de la femme

Le dictionnaire des symboles commence son article par « le symbolisme du chat est très hétérogène, oscillant entre les tendances bénéfiques et maléfiques ; ce qui peut s’expliquer simplement par l’attitude à la fois douce et sournoise de l’animal… » Voilà, tout est déjà dit ici : le chat serait donc ambivalent, aussi doux et caressant qu’il peut être sauvage et même dévastateur.  Il incarne autant la douceur du foyer que l’infidélité et surtout, l’indomptabilité. Le chat est paisible, mais peut exploser en violence hystérique de manière inattendue. Il est donc incontrôlable et proverbialement, n’a aucun sens moral. Il ne pourra jamais être policé comme le chien, et volera toute nourriture à sa portée. Un être sans surmoi… Si on ajoute à ce portrait accablant la sensualité de ses mouvements, de son anatomie et sa sexualité sado-masochiste, on obtient une description parfaite de l’objet de la misogynie.

La double personnalité se retrouve dans la lecture symbolique du chat depuis toujours. La déesse Bastet,  fille de Rê, le soleil, est messagère de la lumière. C’est-à-dire qu’elle personnifie les rayons du soleil, et comme le rayonnement solaire, elle peut caresser voluptueusement ou brûler cruellement. Elle donne la vie ou la reprend comme la chasseresse Diane, qui selon Scarron, se transforme en chatte.

C’est toute cette schizophrénie des félins que mettra en scène Balzac dans « Une passion dans le désert » ou un soldat coincé dans une grotte, doit cohabiter avec une panthère qui va le prendre en affection. La nouvelle est si ambiguë qu’elle frôle la zoophilie :

« mais il la contempla d’un air caressant, et la guignant comme pour la magnétiser, il la laissa venir près de lui ; puis, par un mouvement, aussi doux, aussi amoureux que s’il avait voulu caresser la plus jolie femme, il lui passa la main sur tout le corps, de la tête à la queue, en irritant avec ses ongles les flexibles vertèbres qui partageaient le dos jaune de la panthère. »

Cette nouvelle très courte est un drame amoureux (et érotique) condensé, qui comme il  se doit, se termine dans la violence misogyne la plus crue, le meurtre du féminin indomptable, justifié par un « bon sens » qui pourrait se résumer par « c’est elle ou moi… ».

Mais le félin n’est pas un totem exclusivement féminin, il est même « originellement » plutôt masculin. On croise quelques hommes-chat par-ci par-là, mais en général, ils offrent une figure de félin plus virile que celle du chat de gouttière ou de la panthère chaloupée. Du Lynx de Levi-Strauss à l’Homme-Puma d’Alberto de Martino, un « nanar » de 1979, de la “Panthère Noire” de la Marvel (un souverain africain, aussi noble d’allure qu’athlétique) au vieux CatMan des comics 40’ qui est un gros chat sauvage jaune, si l’homme est chat, il perd toute ambiguïté. Il se doit d’être « sauvage » bien sûr, mais très musculeux, prédateur total sans jamais la dimension domestique ou érotique de notre femme-chatte. C’est donc ainsi que le Léopard en Afrique est le symbole du pouvoir royal, qui exclut totalement le monde des femmes :

« Prédateur dangereux et intelligent, le léopard a été associé à l’autorité politique légitime. Le félin constitue l’image animale et le « double animal » des chefs ; des rois et de tous les responsables du maintien des lois et de l’ordre. Il se rattache plus particulièrement aux personnes et charges liées au pouvoir de vie et de mort. »
« ANIMAL », collectif, Dapper éditions 2007, page 230.

Les félins supérieurs ont donc une symbolique inverse de notre petite chatte antigonienne, sensuelle, voleuse et tentatrice, souvent maléfique, au minimum ambigu et symbole d’anarchie. Le grand félin prédateur impose sa loi par sa force brute sur l’ensemble du monde animal.

Cette citation montre autre chose, qui nous concerne aussi ici : la notion de « double animal » qui permet de comprendre que si souvent nous sommes en présence d’une chimère, fusion des corps dans une entité unique mutante, zoomorphe digne du Docteur Moreau, l’animal totémique peut être corporellement parfaitement distinct de l’homme, comme un attribut extérieur. Par exemple comme animal de compagnie chez les « méchantes » de roman populaire, ou même, dans une variante de notre motif, comme adversaire, puisqu’en symbolique ne s’opposent que les équivalents. Ainsi, une héroïne qui se bat contre des félins semble investie de leur force et de leur bestialité. C’est cette version-là que l’on retrouve chez les nombreuses tarzannes de la jungle du XXe siècle, Sheena, Rulah, Vooda, etc. qui passent leur temps en d’improbables corps-à-corps mortels avec les plus féroces prédateurs…

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Revêtir la peau de la bête

La notion de double est fondamentale, puisqu’elle prend corps, par exemple, dans la double identité des superhéroïnes et dans la métamorphose des mutantes. Mais puisque nous sommes toujours dans le cadre d’un mélange plus ou moins homogène de deux « simples », la double nature apparaît universelle, même là où elle ne s’incarne pas physiquement. Lola Montès est un personnage historique, elle ne se transforme pas, ne revêt pas de peau de bête, pourtant on l’appelle la panthère noire simplement parce qu’elle est capable alternativement de la plus grande douceur et de la plus grande violence, ce qu’expérimentera Franz Liszt avec une certaine malignité. Le double semble ici qualifier le féminin dans ses plus vieilles symboliques : le cycle des règles qui influencerait le caractère, et donc le lien avec le dédoublement de personnalité, l’hystérie qui par ses crises provoque le même effet, et la capacité à porter une autre nature, ou à se « dédoubler » pour enfanter, sans compter la double nature « naturelle/surnaturelle » par le lien privilégié avec les morts que lui prêtent les traditions. Pour la pensée symbolique, tout semble donc double dans la nature féminine, et du symbolique au préjugé, il n’y a qu’un pas. En Afrique, la sphère du « surnaturel est justement celle du règne animal… ». La double nature est donc de manière privilégiée, humaine-animal.

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Il est étonnant de remarquer qu’aussi bien en Amérique du Sud qu’en Afrique, la face du félin est assimilée au visage humain, et qu’on les considérait donc comme des sortes d’hommes… On retrouve une trace amusante de la chose chez Paré qui rapporte l’existence en Amérique d’un étrange félin à tête d’homme : c’était simplement le jaguar…

Chez les Bangwa, en Afrique, la face du félin abattu était immédiatement recouverte d’une grande feuille de nénuphar et d’un tissu parce que, « si un homme voyait sa doublure… il mourait aussitôt ». Dans les sociétés traditionnelles, le félin est le « double du guerrier ». Dans les fantasmes occidentaux, il va devenir le double de la guerrière, voir son animal domestique. Et les femmes autoritaires et maléfiques auront aussi souvent des serviteurs exotiques que des grands félins apprivoisés. La femme-chatte, et sa version supérieure, la femme-félin, semblent donc avoir symboliquement « volé » les attributs du pouvoir (de la violence) au mâle, ce qui lui permet de luter avant de se soumettre (femme-chatte), voir vaincre et dévorer (femme-panthère/femme-tigre) celui qui habituellement la domine physiquement, comme chez Sacher Masoch qui, avec sa « femme à la fourrure », inscrit l’archétype de la femme manipulatrice et sadique.

Avec la femme-félin, la société bourgeoise occidentale a créé son antidote à l’ennui. En traversant le XIXe siècle, Lola Montès, encore elle, est la parfaite incarnation de ce médicament. Sans littérature, dans la « vraie vie », Lola Monthès, dite « la panthère noire », métisse d’Irlandaise et d’Indienne, est généralement prise pour une Andalouse. Sans doute pour mieux coller au fantasme… Elle possède tous les attributs : la danse explicite, la chevelure, le caractère aussi explosif qu’indépendant, l’intrépidité même, la capacité à faire chavirer les cœurs, et touche finale, la cravache facile ! Une véritable héroïne ! Elle mérite qu’on s’y arrête un instant comme peut-être la première femme sacrifiée sur l’autel des médias. Nous ne saurons jamais si elle était totalement consciente de son étrange servitude, même si sa repentance tardive tendrait à prouver qu’elle savait n’avoir été qu’un produit alors même qu’elle croyait s’émanciper. Elle va faire fantasmer les hommes, mais aussi les femmes qui suivent sa vie en léger différé (la publication des journaux) dans le monde entier. Alors qu’elle se débat, au grès des tempêtes qui la mènent de part et d’autre du monde pour simplement exister comme sujet, on l’exploite un peu plus à chacune de ses ruades pour se libérer des fers du machisme. L’exemple de Lola la scandaleuse indique un lien fort entre la symbolique des sociétés dites traditionnelles, l’imaginaire de la bourgeoise du XIXe et sa version populaire du XXe : toujours, la transgression du tabou. Le tabou, quel qu’il soit, ne peut être transgressé par un humain sans conséquence. Le vol, l’appropriation d’une qualité animale, exogène, va permettre une transgression sans que la faute n’en rejaillisse sur la partie humaine du nouvel hybride. Voilà une explication générique du zoomorphe.

« cette femme qui m’avait paru si belle, devint une vilaine chatte noire »
Charles Nodier, « Infernalia » (Fête nocturne, ou assemblée de sorciers)

La double nature, la relation entre parts humaine et animale, prend des formes variées, de la fusion des natures, l’hybride, au simple attribut, objet fétiche, ou même à l’alter ego domestiqué. Au minimum, la relation est totémique, simple attribut symbolique, comme le surnom de Lola, mais chaque fois, l’attribut indique une capacité, possibilité de transgression d’un tabou. Chaque époque, chaque culture l’exprimant dans le cadre de ses propres tabous. Les religions anciennes par une ultra-symbolisation, une déification des principes qui semble éloigner le scandale de la transgression, même si les fêtes de Basteth dans l’Égypte ancienne donnaient lieu à des expressions peu ambiguës… Les femmes agitaient violemment leur robe, s’insultaient et tout le monde buvaient plus que le reste de l’année… Le moyen-âge quant à lui, associera le chat à la sorcière sans fusionner systématiquement leur apparence mutuelle (il suffira d’avoir un chat domestique), mais brûlera indistinctement le chat et la femme ! Dans l’histoire de « Sorguina », sorcière basque, qui avait, parait-il « le pouvoir de se transformer en animal, grâce à un pacte conclu avec Satan. […] et on racontait l’histoire du chat qui venait toutes les nuits boire sur le bord de la fenêtre le lait qu’on venait de traire, et qui, blessé à la patte par la fermière, poussa un cri humain. Et l’on apprit le lendemain qu’une vieille voisine, soupçonnée de Sorcellerie, était blessée à la jambe. […] De même, voir un chat et surtout un chat noir, entrer ou sortir d’une maison, permettait d’accuser l’habitante ou la voisine de s’être transformée en chat. » (Josane Charpentier, La sorcellerie en Pays Basque page 66, Librairie Guénégaud) et ainsi, à l’époque de l’inquisition, toute blessure, griffure, la moindre égratignure pouvait vous confondre et vous envoyer au bûcher ! Comprenez, une honnête femme ne traverse pas les ronces…

C’est seulement au XIXe siècle que le motif se fixe. La sorcellerie devient séduction, et la motivation s’affirme : la sexualité, et l’on classe les chattes : les métaphoriques dans le lit du bourgeois et les « vraies chattes » à l’asile. Plus de fantaisie, plus besoin non plus de les brûler, chaque chose ayant trouvé sa place, dans la policée société du XIXe !
Au XXe siècle, par un étrange retour des choses, l’imagerie réinventera le fantastique. C’est un mouvement de balancier, de la domination de l’art bourgeois, autoproclamé « majeur » et rationnel, à l’avènement d’une nouvelle domination d’un art populaire dit « mineur », c’est-à-dire puéril et abandonné à l’« incohérence » du fantastique. La femme chatte peut de nouveau arborer poil et griffe.

À travers les genres :

La littérature

En littérature, les séductrices, ou leurs versions « hard », dompteuses d’hommes et/ou de fauves, n’ont pas nécessairement des attributs immédiatement repérables. En fait, généralement la femme-chatte n’est pas un monstre, mais une humaine « normale » qui se démarque par son apparence, son comportement, ses accessoires, voire ses animaux domestiques… Souvent elle est brune, répondant à un fantasme exotique de la bourgeoisie du XIXe siècle. La fille du sud, nécessairement fougueuse, sauvage toujours, semble mieux répondre au modèle du chat, c’est la Carmen de Mérimée, la « Vieille Maîtresse » de Barbey d’Aurevilly ou la « Concha » de Pierre Louÿs. Elle doit être souple et hautaine, comme le chat, sensuelle évidement, et pouvoir blesser, soit moralement, soit physiquement. On pourrait parfaitement classer dans les femmes félines la quasi-intégralité des séductrices de roman, puisque le motif, par ses qualités spécifiques, vient se claquer sur celui de la brune malfaisante perpétuellement opposée à la blonde ingénue.

L’époque moderne, par l’argot, fait de la « chatte » une certaine catégorie de prostitué, ou femme légère, briseuse de ménage. La fille sensuelle s’appelle affectueusement « ma chatte », comme presque universellement chez Maupassant et d’autres :

Petit florilège de « chatte » :

“Des femmes aussi nous donnent cette sensation, des femmes charmantes, douces, aux yeux clairs et faux, qui nous ont choisis pour se frotter à l’amour. Près d’elles, quand elles ouvrent les bras, les lèvres tendues, quand on les étreint, le cœur bondissant, quand on goûte la joie sensuelle et savoureuse de leur caresse délicate, on sent bien qu’on tient une chatte, une chatte à griffes et à crocs, une chatte perfide, sournoise, amoureuse ennemie, qui mordra quand elle sera lasse de baisers. “
Maupassant, « La petite Roque »

« Au moins, dit-il, Rousille nous reste ! Elle était jolie déjà, à mon dernier congé, et chatte, et décidée ! Vous ne sauriez vous imaginer combien de fois, en Afrique, j’ai pensé à elle. Je me faisais son portrait de mémoire. Est-elle toujours aussi accorte ? »
René Bazin, « La terre qui meurt »

« Tu l’attirais sans cesse, aussi, toi, tu le flattais, tu
le cajolais, tu n’avais pas assez de chatteries pour lui. »

Maupassant, « Bel-Ami »

À noter que chez Maupassant, les femmes sont régulièrement appelées « ma chatte ».

« Il connaît son caractère, à cette chatte. Eh bien, me donnerait-il de l’argent par-dessus le marché, pour favoriser la chose, alors qu’il est fou d’elle ? »

« Elle est cruelle comme une chatte. Elle sait que j’ai dit à Mokroïé qu’elle avait de « grandes colères » ! On le lui a répété. »
Dostoievski, « Les frères Karamazov »

Et la célèbre Emma, chez Flaubert ?

« et Emma continuait avec des gestes mignons
de tête, plus câline qu’une chatte amoureuse »

Gustave Flaubert, Madame Bovary

Emma est « plus câline qu’une chatte », et fait souvent, au hasard des pages, tout un tas de « chatteries ».

« Une souplesse, une désinvolture inaccoutumée dans les moindres mouvements des épaules et du corsage, qui rappelaient la moelleuse ondulation des allures de la chatte, trahissaient cette particularité. »
Eugène Sue, « Les mystères de Paris »

« Et le perruquier, qui fut appelé à rajuster les boucles de la coiffure du prince grec et à replâtrer sa cicatrice, raconta à toute la bande des choristes et des comparses qu’une chatte amoureuse avait joué des griffes sur la face du héros. »
Georges Sand, Consuelo

Et Nana, tout aussi célèbre d’Emma, hé bien elle n’est pas en reste :

« Elle était très chatte avec lui, le grisait de baisers derrière les portes, le possédait par des abandons brusques, qui le clouaient derrière ses jupes, dès qu’il pouvait s’échapper de son service. »
Émile Zola, Nana

Les héroïnes traitées de chatte sont donc légion, on pourrait encore citer Pierre Louis : « Un proverbe espagnol nous dit : ‘La femme, comme la chatte, est à qui la soigne.’ », Octave Mirbeau et bien d’autre encore. Pour clore arbitrairement l’énumération, on pourrait pourtant décerner la médaille de la misogynie à Nietzsche, dans « Ainsi parlait Zarathoustra » : « La femme n’est pas encore capable d’amitié. Des chattes, voilà ce que sont toujours les femmes, des chattes et des oiseaux. Ou, quand cela va bien, des vaches. »

Pour le Bourgeois volage, les qualités félines de « la chatte » sont parmi celles que doivent avoir les bonnes amantes pour provoquer le roman (bourgeois, justement). Ce sont ces qualités qui poussent à l’adultère, évidemment, vertus animales, fascinantes, qui dédouanent les hommes de toute responsabilité. Il suffit de parcourir la littérature légale du XIXe pour se rendre compte que cette irresponsabilité des hommes n’est pas un vain mot. On allait jusqu’à considérer les femmes comme unique responsable de la prostitution. Pas une seconde, le XIXe ne concevra le phénomène comme un marché, rapport entre une offre et une demande… Du côté de cette « autre littérature », des livres entiers sont consacrés à l’étude des raisons « spontanées » qui poussent certaines filles à se prostituer indépendamment de la frustration sexuelle masculine, qui semble simplement ne pas exister. Pour la « science » de l’époque, la prostitution naît dans le cerveau des filles, parfois pour de bonnes raisons, comme leur propre survie ou celle de leur enfant, mais généralement à cause de leur nature vicieuse, spontanément encline à la débauche… bien sûr ! Ainsi, pour Parent-Duchatelet (De la prostitution dans la Ville de Paris, 1857), la première cause de prostitution — et il prend à témoin tous les auteurs antérieurs ayant fait des recherches sur le sujet — est le rapport sexuel en dehors du mariage, car, sic, la très grande majorité des femmes se prostituant ne sont plus vierges lorsqu’elles s’enregistrent comme prostitué. Il trouve ensuite, comme cause secondaire, la paresse (page 99), et enfin, peut-être… la misère ! Mais tout de suite, il revient sur un autre moteur puissant : « la vanité et le désir de briller sous des habits somptueux ». C’est sur, les hommes ne sont jamais vaniteux, et n’ont jamais le désir de briller… Un peu plus tard dans le siècle, la raison a-t-elle fini par s’imposer ? En 1874, un C. J. Lecour, chef de la première division à la Préfecture de la Police, fait paraître un « de l’état actuel de la prostitution parisienne », petit livre polémique qui critique vertement deux livres de deux médecins sur le sujet, qui ont l’audace de proposer des réformes aux traitements des maladies vénériennes répandues dans les populations de prostitués. Notre policier s’insurge, car lui connaît les causes de la prostitution : « le sentiment religieux s’est affaibli ; les préoccupations de luxe et de vie facile… ». Comme en 1857, le comportement moral des filles est encore en cause. La meilleure amie du Bourgeois, celle qu’il interpelle d’un “ma chatte” mielleusement condescendant, reste l’unique responsable de la déliquescence des mœurs.

La peinture / les arts plastiques

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Dans la peinture classique, on ne compte plus les représentations de « femme au chat » ou autre « fille au chat ». Cet immense corpus iconographique, sage, voire souvent puritain, pourrait passer pour la version réaliste du motif. En fait, c’est surtout l’espace métaphorique de l’implicite, et nous devinons bien, comme chez Balthus, qu’au-delà des apparences, « ça » ne parle pas d’autre chose que de sexualité. Mais on trouve aussi une imagerie fantastique, voire surréelle, qui incarne alors plus explicitement la volupté séductrice. Ainsi, le sphinx qui fascine Œdipe a un corps de félin, sur le célèbre tableau de Gustave Moreau, qui transforme la confrontation intellectuelle, l’énigme, en véritable corps à corps ! Encore moins ambigu, le tableau de Fernand Khnopff de 1896 intitulés « des caresses » montre le sphinx, léopard à tête de femme, joue contre joue avec Œdipe.

Impossible de ne pas évoquer une figure de chatte récurrente qui semble pourtant loin de nos zoomorphes… La chatte, en argot, c’est aussi le sexe féminin, le pubis plus précisément, simplement pour ses poils et sa forme triangulaire, semble-t-il… Et la peinture réduira régulièrement le féminin à ce motif géométrique. De Courbet et son « origine du monde » anti-métaphorique à l’explicite Magritte (le viol), de la femme-chatte d’Oto Dix sur l’aile droite du triptyque « Métropole » à l’acceptation ultra-métaphorique de la quasi-intégrité de l’œuvre de Keefe, l’imagerie a le réflexe machiste…

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Mais l’image n’est pas systématiquement machiste, car par provocation le féminisme va jouer de cette assimilation, et renvoyer la simplification au visage rouge de honte de l’hypocrisie bourgeoise. Voyez comment en joue Valie Export, et son célèbre « Aktionshose », son pantalon qui laisse le sexe nu, additionné de la tenue du délinquant juvénile des années 60 qui lui composent un uniforme de woman-warrior prête à renverser tous les ordres établis. Cette icône féministe-là retrouve la symbolique traditionnelle de la femme-chatte qui peut « griffer » moralement la bienséance hypocrite en assumant d’afficher en public la partie à laquelle le machisme réduit les femmes. Cette mise à jour est mal acceptée, et son image est aujourd’hui toujours aussi violente. Armée jusqu’aux dents, rebelle, le regard droit, elle expose pourtant son sexe, non comme un habituel acte de soumission, mais comme une ultime provocation.

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Bande dessinée

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À la fin des années trente, DC, l’un des deux plus célèbres éditeurs américains, a créé deux figures mythologiques majeures du XXe siècle : Superman et Batman. Superman, le dieu solaire, indestructible et écœurant de positivité, et son pendant nocturne, dieu de la nuit, Batman, ersatz de vampire sans autre pouvoir que celui de terroriser. Ce couple symbolique est parfait, si parfait qu’il va faire la fortune de l’éditeur. Pourtant, l’équilibre harmonieux de ce duo va être vite brisé par la prolifération d’autres personnages étranges, aux prérogatives les plus diverses. Parmi la cohorte des seconds couteaux, une figure va vite s’imposer par sa complexité : CATWOMAN ( voir  www.sequentialtart.com ). On comprend dès sa première apparition, en 1940 dans « Batman 1 » (en effet, Batman n’avait pas de journal éponyme jusqu’à cette date) que d’étranges relations vont se nouer entre la « vraie chatte » et Batman, en triste et toc souris volante édentée. Dans l’univers radicalement manichéen des DC comics, CatWoman va semer la zizanie. Ni franchement mauvaise, ni franchement bonne, à l’image de son fétiche, et donc résolument individualiste, elle va perturber les convictions fascisantes sur le bien et le mal d’un Batman qui finira toujours par la laisser courir. Elle devient ainsi le pendant ambigu du pseudodieu nocturne et taciturne. En présence de CatWoman, même Batman, cette grande figure de l’aveuglement de la justice, se fendille, hésite et balbutie, troublé par la tension érotique qu’elle impose par sa seule présence. Les adolescents ne s’y tromperont pas, puisqu’elle va vite incarner le sexuel implicite dans l’univers de l’éditeur de Comics le plus puritain. Pour être plus explicite, elle va très vite servir de fixation au fantasme masochiste des petits mâles dominants en devenir, puisqu’elle se paye le luxe de chasser le chasseur, voir même de l’humilier ! Après tout, n’est-elle pas « une vraie chatte » alors que le héros se déguise en souris ?
Pourtant, CatWoman, esthétiquement, n’est pas une invention, mais plutôt le retour, ou la continuation de la figure de la voleuse séductrice masquée, le « monte en l’air » comme on les nommait dans les romans populaires depuis la fin du XIXe siècle. Le paradoxe de l’histoire, c’est que chez Feuillade par exemple, ces petits « montent en l’air » sont des vampires, et non des chats !

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l’année suivante, en 1941, apparait une éroïne concurente, positive cette fois, dans un costume moulant de « monte en l’air » parfait, avec de petites oreilles de chat : Miss Fury, largement éclipsé par Catwoman, alors même que cette dernière volera le costume de sa concurente à la fin du XXe siècle !

Les autres chattes de BD sont des déclinaisons, ou des cousines de Catwoman, oscillant toujours entre chat et félin supérieur, comme Tigra (Marvel), Black Cat (Version Mystery comics ou Marvel), The Cat (Marvel), Cheetara (DC), Felina (version mandrake ou Annie Goetzinger), Lamu l’extraterrestre (Manga), She-Cat (AC Comics), etc.

A noter, le récent comics de Erik Kriek, « Gutsman » (voir www.gutsmancomics.com) remarquable à plusieurs titres, comme celui d’être « muet » (c’est pas toujours muet, une BD ?), et donc de ne poser aucun problème de traduction, mais aussi de raconter des histoires de couple assez banales, disons, entre le soap et l’autofiction, sans une goute de fantastique, alors même que les personnages arborent des costumes « traditionnels » de superhéros. L’héroïne est évidement une femme-félin, par ailleurs très inspiré d’une publicité pour une gamme de tabac (« Tigra« ) de la marque belge « Tabalux » !

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Le cinéma

En matière de femme féline, le cinéma n’est pas en reste. Toutes les femmes fatales d’Hollywood hésitent entre les attributs du félin, du vampire, voire de l’araignée, en général selon le degré d’érotisme. Roland Barthes s’en souvient lorsque, dans ses « Mythologies », il cite Audrey Hepburn pour ses rôles de « femme chatte ». La panoplie de vampire, la vamp, impose un érotisme distancié qui se perd en fascination platonique (don-juanisme), alors que les séductrices félines passent et poussent à l’acte jusqu’à la perdition du mâle ! Elles promettent une joute sans merci qui se terminera dans le sang. Pas de perdition morale de la séduction ici, mais bien un danger direct et mortel… La vamp est une icône frigide, la femme-chatte jouit, « prend son plaisir » tout de suite, sans demander l’avis de personne, à la manière de Catwoman guérissant Batman de son impassibilité, voir de son impuissance (ou de son homosexualité latente), dans le film de Tim Burton. Malgré tout, il est difficile de dissocier dans chaque rôle les caractères spécifiques à chaque bestiole, puisqu’en général, une même fatale change d’attribut en trois actes :

fasciner, capturer, consommer…

Mais la Femme-chatte, pour être précis, n’est pas tant séduisante que directement attirante. Elle semble vouloir griller une étape, pour passer à l’acte, vite, à la confrontation physique, sans s’encombrer de la fascination qu’elle laisse à la vamp. Elle semble assumer plus directement ce rapport du féminin à la mort à laquelle on condamne les femmes dans à peu près toutes les traditions : « Dans les mythes, comme dans les rites, la mort est avant tout une affaire de femme […] Elles assument les trois rôles principaux de la femme décrits par Freud : mère, épouse et destructrice. »
(Marie-Josèphe Wolff-Quenot, « Des monstres aux mythes », Trédaniel éd., page 141).
On ne va pas lister toutes les actrices qui dans leur rôle, ont dû exprimer des qualités félines, ce serait aussi subjectif qu’indigeste. Mais dans cet univers cinématographique du symbolisme ambigu pour cause de censure, il y a des moments explicites, comme « La chatte des montagnes » de Lubitsch (1921, avec Pola Negri) qui n’est pas un documentaire animalier :

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Encore que le plus assumé soit le beau « Cat People » (1942 Jacques Tourneur) dont on connaît malheureusement mieux aujourd’hui le remake de 1982, « La feline» avec Nastassja Kinski :

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ou encore le gentil « cat-Women of the moon », et le fiasco, pour ce qui est de notre sujet, de la célèbre « chatte sur un toit brûlant », dont il faut dire quelques mots dans ce contexte, puisqu’on est ici en présence d’une utilisation de la femme-chatte comme prétexte, ou même simple « leurre » grossier pour fixer l’attention des hétéros et les détourner de toute lecture frontale de cette histoire originellement homosexuelle. Il y a quelque chose de tragique et de dévoyé, aussi bien dans le premier degré du personnage de « la chatte », que dans l’incongruité de sa situation affective. Ce film devrait remporter la palme de l’hypocrisie au cinéma, en exhibant dans le titre comme sur l’affiche un personnage secondaire qui reste dissonant du début à la fin. Elizabeth Taylor, « La chatte », n’a plus rien des attributs du fétiche, autonomie et amoralité, violence, sexualité, pour n’être qu’un bout d’érotisme conventionnel qu’on agite sous les yeux des mâles homophobes, un simple poster mouvant, une pin-up donc, rapporté sur une tapisserie d’hommes aussi homosexuels que misogyne, mais qui justement n’assument de concert que leur mépris des femmes. La chatte sur un toit brûlant, dans son personnage comme dans son usage, est l’anti-femme-chatte : elle est soumise, trop morale, amoureuse, abstinente, fidèle. Comble, elle résiste même à la frustration sexuelle ! Elle est encore gentille, dépendante, et le pire, inutile autant au vrai personnage principal qu’à la véritable histoire de Tennessee Williams que le cinéma américain ne pouvait assumer. Comme chez les anciennes divinités, la symbolique de l’imagerie populaire finit donc par s’inverser et ne plus vouloir rien dire…

Dans les années 90 du XXe siècle, à la faveur d’une mode du fétichisme qui touchera jusqu’à la publicité, la femme chatte retrouva ses attributs, et même les assuma pleinement peut-être pour la première fois. CatWoman va alors s’émanciper. Elle a toujours été une incarnation du fétichisme de manière plus ou moins frontale, comme lorsque les scénaristes de DC lui offrent un fouet, dans les années 60, et une véritable objectivation de la femme en insoumise accessoirisée, ce qui est un paradoxe de l’univers fantasmatique. Mais pas tant que ça, puisque l’érotisme a besoin de l’altérité… La femme-chatte, a jamais indomptée, est la figure aussi dangereuse qu’extrême de l’altérité sexuelle. Une personnification des dangers physiques et moraux de l’érotisme.

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En 1992, donc, notre CatWoman de Comics va acquérir une popularité mondiale grâce à Michelle Pfeiffer qui campera une définitive héroïne fétichiste (flirtant au passage avec un univers non développé ici, celui du fétichisme, du burlesque et de la pornographie américaine, voir le magazine « Bizarre » de John Willie, ou ceux de Stanton) s’opposant et se liant comme il se doit à Batman (Batman le défi, Tim Burton), en assumant ainsi enfin pleinement son potentiel érotique.

Il est dommage que cette belle image se soit abîmée dans « CatWoman » de Pitof en 2004, film très attendu comme le film éponyme que les fans espéraient. Malheureusement, il provoqua une déception à la mesure de l’attente. Il semblerait qu’on ne touche pas impunément à une grande figure de la mythologie populaire !

La publicité

Tient, c’est vrai, il manque un chapitre sur la publicité ! Après tout, il y a actuellement une campagne zoomorphe pour « Orangina »… Mais en attendant, voilà une étrange photographie, que tout le monde se repasse sur le web, sans que personne n’en trouve la source [Patrick Peccatte vient de m’apporter la solution de l’énigme ] :

pub

Pour la publicité, lire : La fin de la femme-félin

Les « vraies » femmes chattes :

Les galéanthropes

« a−t−on assez ri de ces femmes changées en chattes, au Moyen Âge ? Eh bien, l’on a récemment amené chez M. Charcot une petite fille qui, subitement, courait à quatre pattes, bondissait, miaulait, griffait et jouait ainsi qu’une chatte. Cette métamorphose est donc possible ! »

Huysmans, “Là-bas”.

Impossible de faire l’impasse sur la Galéanthropie, c’est-à-dire la variante féline de la lycanthropie, elle-même version bien réelle du loup-garou… En effet, même si la mode en est largement passée, montrant d’ailleurs à l’occasion les rapports étroits entre contexte culturel et expression des pathologies mentales, longtemps les campagnes ont résonné des hurlements des lycanthropes, ces gens qui se prenaient vraiment pour des loups ou des chiens…
La Galéanthropie est la version féline et quasi exclusivement féminine du phénomène des folies zoanthropiques. Certaines femmes, parfois en groupe, se prenaient pour des chats et adoptaient donc le comportement ad hoc…

La science tenta préalablement de classifier le phénomène en distinguant les vraies « métamorphoses », d’origines magiques et les fausses, simples fantasmes. Et bien sur, le rationalisme du siècle de l’observation objective évacuera définitivement les cas « magiques » pour ne plus considérer que la « Galéantropie » variante zoanthropiques et simple (sic !)  maladie mentale parmi d’autre.

Voici le paragraphe « Galéanthropie » du chapitre « lycanthropie » du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales (tome 3 / 1868-1889) :

« On pourrait supposer, au premier aperçu, que la galéanthropie ou monomanie féline a été assez fréquente dans le cours du quinzième siècle. Autrefois, le peuple juif accusait un mauvais esprit, nommé Lilith, de s’introduire jusque dans les berceaux des nouveau-nés, et de donner la mort à ces petites créatures. Au moyen âge, on accusa des femmes transformées en chattes de jouer le rôle de Lilith et d’occire les jeunes enfants jusque sous les yeux de leurs parents. Les livres des inquisiteurs sont remplis de faits qui tendent à prouver que des femmes métamorphosées en chattes s’introduisaient fréquemment la nuit dans les maisons isolées, et que les nourrissons qu’elles avaient attaqués ne tardaient pas à périr, misérablement. Les assertions des inquisiteurs étaient corroborées par la rumeur publique, par les dépositions des témoins qui avaient vu des chats s’échapper des chaumières dans les ténèbres de la nuit. Néanmoins, les femmes
qu’on inculpait soutenaient qu’elles étaient accusées sans fondement, et leurs réponses attestent qu’elles n’avaient point l’esprit aliéné. On répète dans tous les livres écrits par les démonographes que vers le quinzième siècle les gens occupés aux travaux de la campagne étaient assaillis de temps en temps par d’énormes chats, et que c’étaient des femmes qui avaient pris la forme de ces animaux pour les effrayer ou les terrasser. On ajoutait que certains chasseurs avaient tiré quelquefois avec des escopettes sur ces chats suspects et que c’étaient des femmes qui s’étaient trouvées atteintes par la charge de leurs armes. […] On est fondé, sauf erreur de ma part, à nier l’existence de la véritable monomanie féline sur les moinesses de Cambrai, qui, à la fin du quinzième siècle, furent prises en grand nombre d’une exaltation maniaque qui les portait à grimper sur les arbres et à imiter les miaulements des chats en commettant toutes ces extravagances, ces filles n’étaient point mues par l’idée qu’elles avaient été métamorphosées en chattes ; elles obéissaient évidemment à une sorte d’impulsion maladive et nerveuse que leur volonté était impuissante à réprimer. Il paraît incontestable, néanmoins, que le délire de la gàléanthropie n’est pas toujours une pure fiction. Sauvages affirme dans sa Nosologie qu’il a été à même d’observer un galéanthrope qui tremblait à la vue d’un chien. Le même écrivain rappelle une citation de Raulin, qui rapporte dans son ouvrage sur les Maladies vaporeuses, que les filles d’une communauté religieuse s’imaginaient être transformées en chattes, et qu’elles faisaient entendre à certaines heures, qui coïncidaient avec les paroxysmes de leur monomanie, de véritables concerts miauliques…»

Des « concerts miauliques » ? Cette formule amusante est à l’image du vocabulaire psychiatrique en gestation à l’époque ! Au passage, l’on note que dans les traditions juives, la plus vieille des femmes chattes serait donc Lilith, par ailleurs pendant négatif d’Eve, comme prototype de la première femme, prototype raté que Dieu remplacera par Eve… Et pourtant, Lilith n’est pas originellement une femme chatte, mais plutôt associé au serpent, ou esprit du vent, ou hibou, ou sirène, etc. Portant, pour revenir un instant au cinéma, la Lilith de Robert Rossen (1964) est une séductrice schizophrène… De nouveau la double nature.

Au XIXe siècle, les femmes chattes sont enfermées, et étudié comme des curiosités psychiatriques. Voilà enfin le témoignage médical direct de la folie féline (rapporté plus haut par Huysmans) par le célèbre Pr Charcot :

« Elle aimait beaucoup les animaux et avait des chiens et des chats dans l’appartement. Un jour, le 18 janvier 1889,en jouant avec un chat, elle fut mordue par lui à la main gauche. La main gonfla, devint rouge et resta très douloureuse pendant trois ou quatre jours. Dès le lendemain de l’accident et pendant les quinze jours qui suivirent la malade eut une série d’attaques convulsives, précédées d’une aura classique, avec grands mouvements, arc de cercle, etc., mais sans délire accompagnant l’attaque. Le seizième jour elle fut prise, dans la rue, en revenant de l’établissement hydrothérapique qu’elle fréquentait, d’une attaque convulsive […]. C’est alors que pour la première fois elle fut prise de délire galéanthropique. Elle se mit donc, au grand étonnement du passant qui l’avait secourue, à courir à quatre pattes, à sauter sur les chaises, à miauler, etc. […] La malade était debout ; tout à coup sa physionomie change. Son regard devient fixe, presque aussitôt les yeux se convulsent en strabisme convergent et brusquement elle tombe à quatre pattes ; elle court sur ses genoux et ses mains posées à plat sur le sol, la tête un peu redressée en extension le visage a sa coloration normale les traits sont parfois un peu grimaçants, le regard maintenant est mobile, en accord avec les mouvements de la tête et les déplacements de la malade ; le strabisme a cessé. Elle va, vient, passe avec agilité sous la table, entre les chaises, entre les jambes des assistants et pousse de temps en temps un léger miaulement ou le pff ! Pfff ! des chats en colère. Parfois elle s’arrête, dispose ses doigts en griffes et gratte le pied de la table, puis le sol puis le bas de la porte. On lui jette une boule de papier et aussitôt, avec des mines de chatte, elle la pousse, la roule et la fait sauter. Deux ou trois minutes après, sa respiration devient un peu bruyante, elle émet d’une voix un peu rauque quelques cris inarticulés ; alors, elle cherche à mordre la jambe de M. Charcot, court de nouveau, passant sous la table, renversant une chaise, puis elle semble flairer les jambes des gens. Son oncle dit que c’est ainsi que ‘la crise finit en général’ et en effet, brusquement, la voilà qui reprend connaissance et se relève, l’air étonné, ne sachant ce qui vient de lui arriver. L’attaque avait duré cinq ou six minutes environ. »
Charcot, Clinique des maladies du système nerveux, p. 81.

Les amateurs de Spiderman apprécieront la genèse de cette pathologie…

La dernière « vraie » femme-félin

Les femmes chattes ne sont donc pas qu’un mythe tenace, puisqu’elles ont réellement existé dans quelques cellules obscures des asiles chers à l’histoire de la folie de Foucault. Mais ces galéanthropes estampillées XIXe sont bien loin des motifs de l’imagerie populaire du XXe, bien loin même des anciennes idoles, et bien trop proche des simples chats dans leur comportement pour provoquer le fantasme. Ces petites galéanthropes sont grotesques, comiques et même pathétiques. Leur comportement ressemble plus à « la chatte métamorphosée en femme », qui est une inversion de notre histoire, et se distingue en chassant la souris sous les yeux de son mari.

L’image sensuelle et dangereuse de la chimérique tigresse, quant à elle, continue son histoire sans que ses griffes ne s’émoussent. Une petite recherche sur Internet tendrait même à prouver qu’elle est actuellement revivifiée comme jamais ! Au cinéma, dans la pornographie, dans les romans pour la jeunesse, dans la bande dessinée, le Manga japonais, ou la publicité… on croise régulièrement une femme aux attributs félins plus ou moins explicites.

Mais pour rester dans le cadre strict de la réalité, la fin du XXe siècle nous a offert une illustration inattendue de ce pittoresque motif. Au grès d’une mode nouvelle, étrangement née d’une guerre mondiale particulièrement barbare, les humains se découvrir des possibilités inédites de modifier leur apparence : la chirurgie. Il fallut pourtant presque un siècle pour qu’on passe de la réparation des visages des gueules cassées, en passant par la réforme des nez des starlettes, à la mutation irréversible d’une milliardaire excentrique en tentative d’incarnation du fantasme… Jocelyne Wildenstein rentre dans notre petite histoire grâce à son addiction à la chirurgie et son désir de se transformer en hybride féline. Née en 1940, elle dépensera 2 millions de dollars pour devenir la première femme panthère de l’humanité. Mais la chirurgie esthétique étant ce qu’elle est, elle risque surtout de n’être qu’un prototype grossier d’une chimère génétique encore à venir…

Webographie :

www.menspulpmags.com/2010/12/robert-maguires-leopard-woman-another.html

Bibliographie (évolutive) :

Lee Falk (scénariste), Phil Davis (dessinateur). « La comtesse mystérieuse », une aventure de Mandrake. 1946 (05/08/1946 14/12/1946 en parution quotidienne).

Hannah Arendt. « la pensée raciale avant le racisme », un chapitre fondamental de « les origines du totalitarisme » page 415. Quarto Gallimard. Mars 2010.

Jurgis Baltrusaitis. « Les perspectives dépravées ». Champs Flammarion. 1995.

Daniel Royot, Jean Béranger, Yves Carlet, Kermit Vanderbilt. « Anthologie de la littérature américaine ». PUF 1991

Gilles Neret. « Pussycats ». Taschen 2003

Anthony Harkins. « Hillbilly, a cultural history of an American Icon ». Oxford University Press 2004

John Willie. « The Complete Reprint of Bizarre ». Taschen 1995

« The Complete Reprint of Exotique ». taschen 1998

« Vision of the Heroine, Golden Age Style » article de « Bad Girl Backlash » 1995

Jean Chevalier et Alain Gheerbrand. « Dictionnaire des symboles ». Robert Laffont 1997

Paul Scarron. « Le Typhon, 3e chant ». Page 59 de l’édition de 1648 disponible sur Gallica.bnf.fr

Honoré de Balzac. « Une passion dans le désert ». Mille et une nuits 1997.

Claude Levi-Strauss. « Histoire de lynx ». Pocket 2005.

Collectif. « ANIMAL ». Dapper éditions 2007, page 230.

Sacher-Masoch. « La Vénus à la fourrure ». Mille et une nuits 1999

Charles Nodier. « Infernalia » (Fête nocturne, ou assemblée de sorciers)

Josane Charpentier. « La sorcellerie en Pays Basque ». Librairie Guénégaud 1977

Parent-Duchatelet. « De la prostitution dans la Ville de Paris ». J.-B. Baillière et fils 1857

C. J. Lecour. « de l’état actuel de la prostitution parisienne ». P. Asselin 1874

Marie-Josèphe Wolff-Quenot. « Des monstres aux mythes ». Trédaniel éd. 1996

Huysmans. “Là-bas”. Folio 1985

M. le professeur Charcot. « Clinique des maladies du système nerveux ». Aux bureaux du « Progrès médical » 1893

Tzvetan Todorov. « Introduction à la littérature fantastique ». Points 1970

Jean-Luc Steinmetz. « la littérature fantastique ». PUF édition 2003

Pour Lola Montes :

Cecil Saint-Laurent. « Lola Montès ». Quai Voltaire 1993
Françoise d’Eaubonne. ‘Les grandes demi-mondaines ». Famot 1981

43 comments

  1. Encore un article passionnant et une plume toujours aussi fluide et pourtant « lourde » de propos. J’ai appris des tas de choses!

    Merci beaucoup Alain…

  2. Je ne savais pas qu’il existait un remake eighties de « la féline » qui est quand même un grand classique du cinéma de genre. La scène de la piscine reste une référence de l’histoire du cinéma, qui a inspiré Alien notamment. Tiens, il y a quelque chose de félin, en plus du côté « insecte » dans la créature d’Alien, non ?
    Une vidéo amusante à ce propos

  3. Disons que l’Alien de Ridley Scott est féminin… et que je crois me souvenir qu’il y a de belles confrontations physiques à la fin… Mais je crois surtout que les femmes chats, quand on s’y pense, on en voit partout ! Une maladie !

    Pour Alien, j’ai un autre article à vous proposer : http://leportillon.com/La-langue-du-monstre

    ha, au fait, j’adore la publication de l’article de « Planète » sur les « Beaux-Arts électroniques »

  4. Passionnant.

    Pour ouvrir sur l’Asie, quelques remarques et hypothèses spontanées : l’imaginaire lié au chat domestique est très récent dans la sphère est-asiatique, mais à priori jamais lié à la féminité. Le chat est un homme (cf. « Je suis un chat » de Sôseki, un vieux professeur d’université). Sans doute comme une extension de l’imaginaire lié aux félins, beaucoup plus ancien, lui (médecine chinoise : les produits tirés du tigre sont essentiellement des aides à la virilité).

    La zoomorphie féminine serait plutôt liée, non pas aux félins, mais au renard (le plus « félin » des canidés, ceci dit).

  5. Tout à fait ! Et en effet, en cherchant du côté du Japon, j’étais tombé sur les renardes, qui séduisent pour perdre ! Sauf que depuis, dans le Japon contemporain, la femme chatte fait des petits !

  6. Pour aller un peu moins vite, en effet, la femme chatte est transculturelle mais pas universelle. En Afrique et en Amérique du sud, comme en Asie, c’est un double masculin. Ce qui est drôle, c’est qu’au début, j’étais persuadé de trouver des choses du côté asiatique, et c’est là que j’ai été très surpris de découvrir que la place était prise par une petite renarde ! (J’ai « chroniques de l’étrange » chez… Piquier justement, juste à côté de moi… 😉

    Cordialement

    Alain

  7. J’étais donc tombé sur des renardes chinoises, donc donc… ne pas être trop rapide avec ses souvenirs…

  8. Et les kawaï chattes de manga ? Depuis Hello Kitty jusqu’aux Cats Eyes, un des fleurons de cosplay avec oreilles roses ou noires et papattes assorties.
    Les oreilles de chat sont donc surtout portées par des femmes, sinon par des (très) jeunes hommes efféminés et « uke ». A noter qu’au Japon, l’animal féminin par excellence est plutôt le renard (kitsune). La femme-renarde possède les attributs de séduction, de ruse et de bestialité. Par contre, j’ignore s’il y a eu des japonaises qui se prenaient pour des renardes.
    Merci pour cet article passionnant et j’adore Rulah et son tigre en plein Afrique !

  9. Ce que j’ai répondu ailleurs, c’est que je suis resté très « vintage » dans les références, et j’ai considéré que la partie très contemporaine était accessible d’une simple recherche Google image… et accessoirement qu’elle posait plus de problème de droit… (Je ne savais vraiment pas ce que j’allais faire de cette collection) Et en effet, les chattes Japonaises contemporaines sont légion, et très explicites !

    Pour Rulah, je penses qu’elle vit dans un monde cousin de celui d’Edgar Rice Burroughs, et j’ai bien peur qu’il puisse s’y passer VRAIMENT n’importe quoi !

  10. ne partagent pas la vision de l’auteur du texte, ne croient pas en une sorte de connotation négative sur les caractéristiques des chats, sont les préjugés des gens ignorants et qui n’aime pas les chats, Merci pour le partage du texte … les chats sont des animaux doux et sans défense contre la cruauté des êtres humains, il n’ya pas de valeur de comparaison, ils ne sont pas hystérique, pas fiables, il suffit de défendre et de nous défendre …

  11. Les chattes dans la culture pop japonaise est à mon avis un phénomène très récent. Et puis, sont-ce des femmes, ou des petites filles ? À mon avis toutes les pistes sur ce sujet conduiraient à un seul tunnel de transfert : Tezuka Osamu. À moins que Miyazawa Kenji ?…

    À lire également pour confirmer ou infirmer, et sur les renardes : Yanagita Kunio, Koizumi Yakumo (alias Lafcadio Hearn), Aramata Hiroshi (pas traduit que je sache mais je peux vous dégrossir une recherche de doc illustrée si ça vous intéresse). Et puis, pour un peu de pub perso : « Yôkai, le dictionnaire des monstres japonais » (2 volumes) de Mizuki Shigeru, chez Pika.

  12. Et Baudelaire, Le chat:

    Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
    Retiens les griffes de ta patte,
    Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
    Mêlés de métal et d’agate.

    Lorsque mes doigts caressent à loisir
    Ta tête et ton dos élastique,
    Et que ma main s’enivre du plaisir
    De palper ton corps élastique,

    Je vois ma femme en esprit. Son regard,
    Comme le tien, aimable bête,
    Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

    Et des pieds jusques à la tête,
    Un air subtil, un dangereux parfum,
    Nagent autour de son corps brun.

  13. Ha c’est vous, la traduction de « Yôkai… » !

    Et en effet, cet envahissement de fille chatte japonaise me semble aussi très récent. Merci pour les références. Même si je ne pense pas passer ma vie avec des femmes chattes (j’ai bien peur d’être catalogué…)

  14. Vous avez raison… Au plaisir de vous lire sur plein d’autres choses aussi !

  15. Dans les mangas, c’est peut-être des filles, mais elles ont les attributs mentionnés dans l’article (séduction, danger, etc.). Je pensais quand même à l’extraordinaire succès auprès des cosplayeuses (et les mateurs de tout poil – ah, ah). Et si c’est récent, est-ce dû à l’influence des comics américains ? ou des maneki-neko ? ça m’intéresserait beaucoup de connaître l’origine.
    Pour le dictionnaire des Yokai, Patrick, vous avez gagné une lectrice. J’attends ma livraison avec impatience.

  16. Il manque vraiment un chapitre « Japon contemporain ». Mais même si j’ai quelques bases, je ne suis pas assez compétent… Mais je pourrais emballer en quelques phrases les quelques pistes de vos commentaires. Merci ! Et spontanément, j’aurais dit que l’engouement japonais venait de l’occupation US, mais sans certitude !

  17. Les américains, c’étaient pas des Bunnies (vous savez le justaucorps très échancré, les oreilles blanches et le pompon sur les fesses) ?
    On demande au sieur Honnoré ?
    En tout cas mille merci pour les informations et la passion du blogueur.

  18. J’ai pensé à votre texte en regardant hier La Captive aux yeux clairs (The Big Sky) de H. Hawks qui reprend cette figure en la personne de Teal Eye : une indienne farouche qui se fait peu à peu « dompter » par son pendant masculin Boone Caudill… ne parlant pas la même langue, leurs principales interactions sont des affrontements répétés sous forme de corps-à-corps assez sensuels, où elle est d’ailleurs une fois armée d’un couteau, laissant ainsi « ses griffures » dans le dos du trappeur.

  19. Nico, C’est exactement ça, et c’est ce qui m’est arrivé il y a deux ans, j’en voyais partout ! Et c’est bien parce que j’en voyais partout que je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire…

  20. Comme dit plus haut, je pense que vous faites fausse route en vous focalisant sur la mysoginie, c’est une lecture appauvrissante des mythes.

    Je vous incite très fortement à lire « Une Passion dans le désert » de Balzac, qui est une histoire d’amour (sexuelle) entre un homme et une panthère.

    Cordialement.

  21. AE, Je cite « Une passion dans le désert » de Balzac au début de l’article. Et c’est vrai qu’une lecture n’est qu’une lecture, c’est à dire en quelque sorte un appauvrissement. Mais ça peut être aussi un éclairage…

  22. Au temps pour moi, ça m’apprendra à lire des articles sur un téléphone…

  23. Hé oui, pas très confortable… Et pour renchérir, le grand défaut de mon article est justement d’ouvrir trop de piste de lecture, bien au delà de l’angle « misogynie », et sans en suivre aucune… L’angle de la misogynie a une certaine validité pour le XIXe, ou les choses sont clairement énoncées. Pour l’imagerie populaire du XXe, c’est plus complexe, car il y a un retournement de l’image, jusqu’à sa récupération, justement, par les féministes. Mais cette récupération est à tempérer, car si la chatte devient vraiment indomptable à la fin du XXe, elle l’est beaucoup dans la bande dessinée qui est majoritairement produite et lu par des hommes. C’est donc plutôt l’indice d’un masochisme mâle qui s’exprime plus clairement, qu’une émancipation féminine. Mais l’angle qui me semble le plus intéressant était tout autre, puisque c’est celui de l’histoire des grands pôles culturels mondiaux. Une histoire qui se lit clairement dans l’histoire de cette imagerie (ménagerie devrais-je dire…). L’Europe au XIXe, la domination « culturelle » des US au XXe, et en effet, la monté en puissance de l’Asie depuis quelques années. C’est donc un marqueur historique faible, tout petit, tout discret, ‘folklorique », mais pourtant…

  24. […] [ Mais Gotham s’amuse aussi à installer une tension pré-sexuelle entre les futurs Batman et Catwoman, qui, dans cette version de l’histoire, initie l’apprenti justicier aux bas-fonds, à la marginalité et à la complexité morale. Ceci, juste pour évoquer l’un de mes vieux sujets de prédilection… ] […]

  25. […] J’ai gentiment raté deux choses, dernièrement : je n’ai pas trouvé le moyen de passer voir Eldo Yoshimizu dans son atelier avant qu’il ne reparte au Japon. Je n’ai donc pas de photographie at work de ce mangaka au trait nerveux et élégant édité chez nous par le Lézard noir. Il y dessine Ryûko, motarde pop et longiligne, version yakusa des filles de Crepax, qui, au passage, illustrerait parfaitement mon vieil article sur les galéanthropes. […]

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