J’ai acheté ce livre au début des années 90, à sa parution, je suppose. Pas de souvenir précis, après 1992, année de mon DNSEP. À partir de la publication de Feu, Mattoti était devenu une immense vedette de la bande dessinée, un auteur à aura, et quelques années après il sortait donc un roman graphique antithèse, aussi sec et épuré que Feu était flamboyant, scénarisé par Lilia Ambrosi. Une épure incise, claire comme jamais une ligne n’a été, glissant d’une synthèse très froidement narrative à un brouillard graphique plus expressif à la limite de l’abstraction. Un roman graphique dans son acception actuelle, c’est-à-dire de la simple bande dessinée, mais qui vise un public adulte, donc avec une ambition et même avec une certaine prétention poétique. Le résultat est paradoxalement pesant, gênant dans le désir de poésie, et la poésie ne supporte pas le désir de poésie. Je me souviens d’une première lecture suspendue, dubitative et un poil déçue. C’est graphiquement beau, parfois très, surtout dans les architectures et les paysages, mais… Je me souviens maintenant, en écrivant, de ma première impression. Je m’étais demandé ce que j’en penserais si c’était un roman purement textuel, et m’étais alors dit que je n’aurais pas été client. Le changement de médium et l’intérêt évidemment du dessin cachent la nature réelle du récit, une bluette mélancolique et maniérée et des non-histoires croisées entre des personnages narcissiques parfaitement plein d’eux-mêmes.
Relire : L’homme à la fenêtre
Publié le 25 avril 2017