Je voulais être nulle part. Pourquoi se promener en ville est-il moins fatigant qu’en rase campagne ? Les distractions de l’œil. Les distractions de l’œil changent la perception du temps. La monotonie d’un bord de route rend chaque pas présent, de toute sa présence.
Je voulais être nulle part. J’ai vu des années défiler à toute vitesse. Des années perdues. Des années à répéter les mêmes gestes insensés. Des années à attendre derrière un écran. Des années, à voir des barres de progression progresser, et c’est bien la seule chose qui progressait !
Je voulais être nulle part, pour ne plus sentir ces milliers de liens sociaux qui m’étranglaient, qui suintaient de mon téléphone et de ma boite mail.
Je voulais être nulle part pour me sentir neuf. Pour être de nouveau capable. Pour me retrouver. Je voulais me réparer. Je voulais voir si je devais accepter l’état de fait, me laisser glisser vers le bas, de plus en plus, vers l’annihilation, vers la décrépitude annoncée et déjà installée, ou si je pouvais encore être vivant. Je voulais savoir ça.
Je voulais être nulle part pour pouvoir aller vers là ou mon premier pas me mènerait.
J’y suis. Je suis nulle part. Je peux aller où je veux, comme je veux. Sans peur.
J’ai ressenti ce que je voulais ressentir, cette tempête intérieure, ce trouble absolu, ce brassage de l’être. J’ai ressenti, j’ai su que j’étais vivant. J’ai su que je voulais être nulle part, pour aller partout.