« Brutalopolis » de Mai Li Bernard, aux éditions Waknine, 2017
Alors que le Pop-Art émerge, le Brutalisme en architecture secoue le goût commun habitué au décoratif. Tous les deux sont nés en Angleterre à l’issue de la 2e guerre mondiale. Avec le Brutalisme, le mouvement moderniste reprenait là où il semblait s’être arrêté et insidieusement, le Pop, par son regard second sur des choses existantes, préfigurait le post-modernisme. Mais les deux secouaient l’ordre social des formes. Ces regards neufs sur les choses, les matériaux et les structures, les productions industrielles et les esthétiques utilitaires ou populaires, ont encore aujourd’hui une audience importante. Le Pop n’a depuis jamais cessé d’innerver la culture mondiale, et les sculptures utiles du brutalisme sont très à la mode sur les réseaux sociaux.
Les merveilleuses éditions Waknine (qui sentent le protège-cahier), éditent aujourd’hui une monographie de Mai Li Bernard : 52 collages de gommettes colorées qui rendent un paradoxal hommage pop à l’architecture brutaliste. Comme une synthèse malicieuse des deux mouvements anglais, le chatoiement coloré des gommettes et une certaine préciosité des structures s’opposent aux grands principes du brutalisme. Pourtant, derrière cette apparente contradiction, l’usage d’un moyen d’expression éminemment enfantin, simple et standardisé (d’un nombre limité de couleurs et de formes géométriques), rappelle l’austérité des principes du mouvement brutaliste. Et c’est donc dans le protocole que le brutalisme est respecté, par l’usage tel quel, sans transformation, d’un produit de consommation courante. Et le résultat, qui oblige à porter un regard neuf sur un objet vulgaire, correspond au programme éthique d’Alison et Peter Smithson.
Mais au-delà du titre, lier l’architecture à l’enfance est évidemment pertinent. L’architecte, de l’enfance, garde la maquette, et un jeu d’échelle, un jeu mental, fantasque, entre le géant et le miniature. Avec le dessinateur, l’architecte fait parti de ces privilégiés qui continuent adultes une pratique enfantine. Inventer des architectures en gommettes, c’est ironiquement pointer la dimension ludique de ces formes géantes qui souvent nous en imposent par leur esprit de sérieux.