Enfonce-toi. Enfonce-toi, ici. Arrête de rester au bord. Tu sais te jeter ? En vrai ? Tu te vantes ! Enfonce-toi vraiment ici, et accepte donc ce qui advient. Tu as peur ? Oui. À quoi sert de t’organiser ces petites morts ? À quoi cela sert-il si c’est pour ne pas changer ? De quoi as-tu peur ? Tu as dit, au cœur de la nuit, pour baiser encore, encore, et gâcher le sommeil, et gâcher la journée, la lumière, le travail, ce travail ? Et gâcher ta jouissance dans la mécanique vaine, et gâcher sa jouissance. Gâche tout. De quoi as-tu peur ? Tu as dit, pour te réconcilier, parce que tu as peur, tu as dit « je fais ça parce que j’en ai marre d’avoir peur. Et j’en ai encore plus marre de toutes leurs peurs à eux. J’en ai marre de leur peur. Ils ont peur de quoi ? » Et toi, de quoi as-tu peur ? Pourquoi tu marches si vite ? Tu vas quelque part ? Pourquoi as-tu toujours tout fait si vite ? Avais-tu du temps à gagner ? Oui ? où est-il ? Dans les miroirs, les glaces et vitres des portes, tu aperçois de plus en plus la tête du petit vieux que tu vas devenir. Et alors ? Tu as couru jusque-là. C’est-à-dire ? Ha oui, tu as cette étrange particularité d’accélérer dans les côtes. Tu as besoin de la difficulté, sous ton mollet. Mais ça sonne creux. C’est un réflexe étrange, mais il sonne creux. T’es plutôt un mec facile en fait. Des choses te sont données, comme ça. Tu ne forces pas. Tu n’en pouvais plus de passer pour un bon technicien alors, qu’en fait, les choses t’étaient données. Alors, pour toi, elles n’ont pas de valeur. Ce qui t’était donné, tu l’as toujours méprisé. Tout ce qui venait de ta famille, tout ce qui pour toi est facile de naissance. Tu as jeté tout ce qui t’était facile. Facile de jeter ce qui pour toi n’a aucune valeur. Facile de se départir de tout, de jouer au saint moderne quand tout t’indiffère. Le reproche éternel « que veux-tu ? » « Je m’en fous » « mais tu te fous de tout » « Non, pas de tout… » Mais de si peu. De quoi ?
C’est bien pour ça que tu l’aimes, elle. Celle qui t’oblige. Tu sais ce que tu vaux. Tu sais bien ce que tu vaux dedans. Tu sais ce qui te demande des efforts. Elle. Elle, celle qui t’arrache les entrailles, celle qui te change, celle qui te prend comme une glaise vulgaire pour faire de toi ce qu’elle veut bien. Oui, ce qui t’a été donné n’a aucune valeur, tu as tout jeté, gardant précieuse ta seule vraie noblesse, ce qu’elle veut de toi.
Alors ? De quoi as-tu peur ? De son jugement ? De sa douleur ? De la décevoir ? L’Œdipe te caresse, tu souris. Va te cacher, idiot ! Tu es vraiment un putain d’hétéro mystique ! Là, rien qu’écrire, rien qu’évoquer, tu en as plein le nez, plein la gorge, et tu aspires. Et tu la mordrais là, dans le cou, ou n’importe ou, dans l’arc du pubis, lieu merveilleux, ton paradis, celui qui te fait trembler la tête, que là, tu sens les larmes qui viennent, que t’es vraiment incorrigible, que non, tu n’es pas prêt à crever, en fait.
Et tu te rebelles, et tu te dis, et alors ? Et si entre elle et moi, je préfère elle ? Et alors ? Si je te préfère à moi, qu’est-ce que ça peut foutre ? C’est un crime ?