La véritable douleur de la photographie, c’est qu’elle ne renvoie pas à la présence, comme voudrait nous le faire croire le photographe, mais toujours à l’absence. Elle n’est que le support des larmes, définitivement. Elle réveille l’absence avant de révéler l’apparence. Je savais que ça serait dur, de feuilleter les photos anciennes. Même si les douleurs assagies ne valent pas les blessures vives, les photos anciennes sont des fétiches, les récentes de dangereux encouragement pour nos chimères.
« j’ai cru voir, derrière une colonne, madame d’Albémar couverte d’un voile blanc ; mais sa figure s’offrit à mes regards si pâle et si changée, que c’est ainsi que son image devrait m’apparaître après sa mort. Plus je fixais les yeux sur cette colonne, plus mon illusion devenait forte, et je crus que mon nom et le sien avaient été prononcés par sa voix, que j’entends souvent, il est vrai, quand je suis seul. Madame de Vernon s’approcha de moi, et me rappela doucement à ce que je devais à Matilde. je me levai pour prononcer le serment irrévocable à l’instant même je vis cette même ombre s’avancer, étendre la main, et mon trouble fut tel qu’un nuage couvrit mes yeux. Je fis cependant un nouvel effort pour examiner cette colonne dont j’avais cru voir sortir l’image persécutrice de ma vie mais je n’aperçus plus rien ; l’effet des lumières dans cette vaste église, et mon imagination agitée avaient sans doute créé cette chimère. »