Le maire de la ville est passé, avec son petit panier d’osier au bras, et il est resté devant le grand tableau que je terminais… Il me propose de l’acheter. Mais avant, il demande à réfléchir. Le lendemain il m’annonce que son mur est trop petit… Il semblait vraiment déçu, et me demande si je compte en faire un plus petit « dans le genre »… « Écoutez, faites-moi une commande ferme, et je vous le fais ». Il me regarde, tourne un peu la tête, et ajoute doucement « mais… s’il pouvait être… un peu plus érotique… pas trop, c’est pour mon salon, mais quand même un peu plus… Vous comprenez ? ». Je comprenais.
Ce maire, quand il sera interrogé plus tard pour la presse locale sur ce qui se passait dans cet étrange atelier, les histoires d’amour ayant disloqué notre association, dira qu’il a « juste aidé des jeunes en difficultés », ou autre formule méprisante. Il avait donc commandé et acheté un tableau érotisant par pure bonté d’âme. C’est la seule fois où ma vie privée s’est retrouvée étalée dans la presse locale. Il y avait une bonne raison à cela : celui qui avait écrit cet article était un rival amoureux, un rival malheureux, qui se vengeait en étalant nos « aventures » dans un article délirant. Passe décidément n’importe quoi dans la presse ! En exhumant les documents, je retrouve un petit dessin qui évoque la séance de pose de la commande et sur lequel j’avais écrit « un mois après, elle m’avouait que ça l’excitait, de poser pour moi ». Ainsi, je découvre aussi que j’ai ce réflexe de garder trace depuis toujours.