Je n’ai pas été l’adolescent que j’aurais dû être. Il s’est passé quelque chose, comme souvent entre l’enfance et l’adolescence. Un temps foireux, de mauvaises expériences, des profs idiots, qui m’ont gâché, des obligations stérilisantes, des ennuis mortels, si mortels que je tenterais.
Pour seulement vivre, je vais devoir passer par dessus mon adolescence. Par-dessus l’école aussi, et ce sont les Beaux-Arts qui ont sauvé ma vie, lieu merveilleux rassemblant des gens merveilleux. Mais ça va trop vite. Oui, je regardais ces femmes, et j’observais leur expression, j’aimais déjà la fatigue de l’alcool et de la danse désordonnée qui se perd dans le soir, quand le regard devient lourd, s’abandonne et brille d’un feu neuf pourtant, d’un feu nouveau, celui des possibles étreintes. Mais je ne comprenais pas quelque chose, je m’en souviens très clairement, je ne comprenais pas ce qu’elles faisaient avec ces maris là. Déjà, je ne comprenais rien au goût des femmes. Comme je trouvais les hommes laids ! Intérieurement et extérieurement. Après l’adolescence, je mettrais de l’eau dans mon vin, je rencontrerais des hommes différents, comme moi, et d’autres parfois séduisants. Je découvrirais la porosité des frontières, des bouteilles ni à moitié pleines ni à moitié vides… Mais c’est une autre histoire.
Mais toute mon enfance, j’ai été ennemis des hommes, tous. Espérant, du haut de mes centimètres, leur voler leur femme. Je vais oublier ce petit gars-là. Je vais le perdre.