Dans la nuit, le casque sur les oreilles, avec au bout des mains l’ipad en équilibre et les doigts libres qui glissent si bizarrement sur son écran, réinventant la frappe brusquement mal nommée… La glisse ? Caresse, plutôt. Tapotis et caresse. Les mots naissent d’une danse nouvelle. Luminosité au minimum. Minimum pas assez minimum, peut-être seul défaut de cet objet que j’ai attendu si longtemps.
Dans le cadre de mon activité professionnelle, lorsque je dois parler des nouveaux usages, je dis parfois : « Nous avons été les beta-testeurs de la micro-informatique pendant les 30 dernières années » ! Oui, avec nos grosses tours et nos gros écrans… Mais attention, l’ipad n’est pas un aboutissement, mais une transition, une étape importante, disparition de la souris, c’est-à-dire d’un objet pointeur, maladroit intermédiaire qui demande apprentissage au profit d’un geste naturel, le toucher. Non, l’ipad est la première étape de la micro-informatique mature, qui sort enfin de son gros bêta-test… C’est à partir de lui que tout va maintenant arriver, jusqu’à la disparition de l’objet, disparition déjà écrite.
Je nous souhaite bien du plaisir, lorsqu’enfin, ce désir anthropologique aura été atteint, et que nous serons définitivement une ruche…
alors, en général, j’ajoute, « oui, en effet, l’espèce a des désirs majeurs qui sous-tendent toutes les sociétés, et nous ne serons accompli comme espèce,que lorsque tous ces désirs auront été comblés ». Parce que j’adore raconter des trucs hors propos, juste comme ça… Donc, oui, l’exemple le plus simple, le plus facile à accepter est le vol. L’homme a toujours voulu voler. OK, on a fini par y arriver… Eh non ! pas du tout ! La preuve, c’est que l’expérimentation continue, que le désir persiste, que la tension est toujours là. Non, nous ne serons satisfaits que lorsque nous volerons sans prothèse (visible) ! Quoi ? Oui, vous verrez… « Et la prochaine fois que vous verrez un gars expérimenter un machin volant, vous penserez à ce que je vous ai dit »…
Fatiguant d’entendre encore que quelque chose de notre « nature » pourrait être changé, altéré peut-être, juste parce qu’on a un téléphone connecté dans la poche… C’est étrange qu’ils n’arrivent pas à voir la continuité là même ou ils imaginent rupture… Nous réalisons, collectivement, ce qui a toujours été désiré. Et jamais nous ne sommes sortis de notre « nature » pour ça…
Donc, bientôt, la ruche… ou le chaos avant… La course a l’échalote…