Sophie Guerrive marche sur un fil, un fil tendu entre le mont philosophie et le mont poésie. Sous ses pieds, sous la corde tremblante, à pic, vertigineux, un gouffre.
Et je me rends compte que je fais partie de ceux qui se sont trompés, ramenant les strips de Tulipe à soi, n’en voyant que l’apparent « message », peut-être philosophique, et ratant ainsi la forme. Et pourtant, là, sous nos yeux, cette manière architectonique de mettre en forme le sens, de scander des phrases, de scander les silences, les suspensions, les éclats, avec cette incroyable économie de moyen, économie de traits, économie d’effets graphiques tendue vers le claquement du sens comme bruit, n’appartient pas à la philosophie, mais bien à la poésie. Ce qui n’empêche en rien la métaphysique, d’autant plus ! Mais « réduire » Tulipe à un message, aussi philosophique soit-il, c’est rater la substance, c’est rater l’effet, si réussi, capable même de mettre en forme des presque riens, des insignifiances, et surtout, dans celui-ci plus explicitement, des vides de réponse, des aspirations qui finissent toutes en aporie. Ce qui, pour le coup, s’oppose radicalement à la plupart de nos philosophes occidentaux volontaristes, obsédés à imposer leur réponse, et tout autant à l’apparent cadre mystique chrétien du livre.
Sophie Guerrive marche sur un fil, un fil tendu entre le mont philosophie et le mont poésie. Sous ses pieds, le gouffre de la religion. Mais peu importe la solidité du fil, comme tous les poètes, Sophie Guerrive sait voler.
Eden de Sophie Guerrive chez 2024 – Octobre 2021
Sophie Guerrive
Olala mais merci Alain <3