Je pensais, je pensais ce matin que trouver sa voix (et sa voie donc), en matière d’art comme de communication, et de communication au sens large… par exemple trouver le ton d’une chronique ou la manière d’exister sur un réseau, c’est trouver son premier degré.
Hier, je disais à Elric qu’être un auteur, c’était être chez soi, partir de chez soi, pour aller vers le monde. Il fallait donc déjà savoir ce qu’est chez soi et l’accepter, car nous sommes parcourus de désir, de désir de ne pas être soi, d’être autre chose.
J’ai arrêté de dessiner parce que mes dessins ne me plaisaient pas. J’ai eu beaucoup de mal à accepter ma manière d’écrire. Des années. J’aurais préféré être un écrivain punk. Je voulais être un écrivain punk !
Je voudrais être sec et froid, ce qui sort de moi est larmoyant. Horreur !
Mais voilà, ma sagesse fut d’accepter. Je crois qu’on passe de la jeunesse à la sagesse lorsqu’on s’accepte, qu’on accepte son premier degré, ce qu’on est, ce qu’on comprend et ne comprend pas, et qu’on arrête d’avoir peur de ce qui sort, qu’on arrête d’avoir peur d’être jugé sur ce qui sort, d’être condamné même. Et qu’on arrête aussi d’avoir peur de se faire prendre quelque chose, de se faire voler une chose qui nous aurait échappé, une intimité insupportablement indécente !
De la même manière, il faut accepter de ne pas être imperméable. Il faut accepter que nous sommes traversés par ce qui nous compose, et que ces choses anciennes ou mimétisme immédiat, arrivent en effet de l’extérieur de nous, des « autres », mais que ce ne sont pas des souillures, des influences maléfiques, mais des nourritures qui doivent passer par notre corps et notre esprit. Il faut accepter sa mémoire défaillante, et comprendre que ces défaillances n’en sont pas.
Depuis longtemps, je répète idiotement « on n’échappe pas à soi-même « . Ce qui est vrai. Mais qui est soi-même ? Impossible de le savoir sans en user. Car on use de soi-même. Il y a plusieurs manières, mais il faut toujours produire des formes. Ces formes peuvent être des actions, des mouvements, des voyages ou des conversations, des rencontres, des aventures, ou toutes les manières de garder mémoire de tout ça. Et donc toutes les manières de mise en forme de soi-même.
Lorsqu’on se regarde dans le miroir, on est toujours surpris de la distorsion entre sa perception intérieure et ce reflet qui est ce qu’on donne au monde. Et bien, être un auteur c’est accepter ce reflet, arrêter de vouloir le maquiller, le manipuler, et le connaitre, et enfin, le reconnaitre comme soi, le soi pour les autres.