Dans dix ans, tu l’auras, ta petite famille, tu seras heureux, et tu décideras de t’en souvenir, juste à cet instant, quand tu les regarderas toutes les deux, dans cette petite cuisine, tu fondras du dedans, tout en larmes retenues, comme c’est mignon ! ces moments domestiques, ces calmes, ces amours qui s’étalent en tendresse, comme tes habitudes, comme ta marmelade du matin, et ce sexe qui va lentement s’édulcorer, comme une boisson industrielle, c’était ce que tu voulais, vivre « ça ». Tu voulais qu’elle vienne. Elle est venue, et elle est restée. Et bien tu es comblé, dix ans après, et tu ne sais pas que tu en auras pour encore bien des années !
Et volontaire, tu seras fier, fier d’avoir tenu la barre, ta barre infaillible, dans la tempête, dans toutes les tempêtes, viril et fier, et fier d’avoir su attendre dans tes acides, et fier d’être là, vif, quand tous sont morts, disparus, effacés… Tu auras, tu auras brisé le sort de ta force propre, comme une parodie de Werther. Elle sera prisonnière d’une situation domestique qui l’étouffe. Son désir, c’était pas « ça ». La petite famille, c’était pas son horizon. Elle avait autre chose à faire, et tu le savais, tu le savais du départ, et c’est même pour ça que tu es tombé amoureux, pourtant tu l’as noyé dans ton désir normatif, dans ton trip commun, dans ton désir étriqué…
J’étais si classique, parfait, comme personnage. J’étais les mots qui brillent, j’étais le compagnon d’aventure, j’étais le sexe toujours prêt, j’étais l’évasion réussie… Pas la prison ! La prison, c’était les autres.