La petite maison en bois

Publié le 4 janvier 2021

Parmi les archives photographiques de mon grand-père paternel, quelques photos de leurs vacances du milieu des années 50 dans la maison en bois des parents de ma grand-mère, en Moselle, à Schœneck, village détruit à 70% par la Seconde Guerre mondiale, minuscule recoin d’une carte complexe, tragiquement posé sur une frontière mouvante. Enfant, j’ai quelquefois entendu parler de cette « maison en bois ». C’était comme une figure de conte, presque mythologique, presque magique, et pourtant on m’assurait que j’y avais séjourné, dans cette maison étrange. J’étais à peine né, grouillant bavant, et un voyage dont il me restait encore, alors, des brumes sombres peuplées d’ombres inquiétantes, m’avait emporté loin jusqu’à cette arrière-grand-mère exotique qui y vivait maintenant seule et veuve. 

Photographiée par mon père, Maria Magdalena Kuntz, née Merfeld, mère de ma grand-mère paternelle dans sa maison en bois lors du dernier voyage.

Mais, l’évocation de cette mythique maison de bois dans la bouche de mon père qu y avait séjourné souvent pendant son adolescence me troublait beaucoup, moi qui grandissais dans le règne de l’agglo, de la pierre et des zones pavillonnaires. Je me souviens même ne pas comprendre comment on pouvait vivre dans une maison en bois dans une région beaucoup plus froide que la mienne (si j’avais exprimé mes doutes, mon père peu avare de longues explications techniques, m’aurait expliqué qu’en dépit de son apparente fragilité, les compétences thermiques et physiques du bois sont excellentes. Et dans ma grande bêtise, j’aurais dû faire le lien avec le genre majeur de la fiction d’alors, le Western). Ce qui fait que grandissant un peu, je finis par classer cette histoire dans la même catégorie que le Père Noël ou la Petite Souris. 

Pourtant, cette petite maison de bois d’apparence si fragile, si précaire, est littéralement la maison de retraite que ce couple de survivants se construit pour la fin de leurs vies. Juste en périphérie de ce village qui dix ans après portait encore les stigmates de la guerre. Sur cette vue générale de Schœneck (recadrée), on aperçoit au centre la maison de bois, plus loin, l’église bombardée, et surtout on y découvre quatre autres cabanes de même style. Ce qui montre bien qu’au cœur des années 50, on en est encore à fabriquer du provisoire pour se loger. L’explosion des pavillons et des immeubles d’habitation sera pour les années 60.

Sur cette autre photographie, des enfants du village, l’église détruite, et la position de la maison, un peu en arrière, dans un champ, derrière cette église bombardée qui sera bientôt reconstruite par les architectes Genius et Calliez entre 1956 et 1960.

La construction de la maison a lieu entre 1955 et 1956. Je ne sais pas pourquoi ils en sont venu à fabriquer cette maison et habiter là. Ces maisons semblent toutes faites sur un même modèle, mais avec des matériaux de récupération. Le grand père en profitera peu, environ 5 ou 6 ans, mais la grand-mère y vivra jusqu’en 1967 ou 68.

Autographe au dos : « Maison de bois de pépé en construction »
On ramène des matériaux. Sur la photo, un scooter, mon arrière-grand-père, l’oncle Jean-Paul, mon père caché à l’arrière, peut-être mon grand-père penché… Au fond, une voisine. 
Autographe au dos : « Départ pour Wissembourg, sept. 1956 »
Sur le côté droit, un banc et une niche pour le chien. Photo de groupe (avec un détail qui me plaît, mon oncle Jean-Paul montre fièrement un livre : Rob Roy de Walter Scott édition 1954 illustrée par Le Monnier)
Sur cette photographie prise par mon once Jean-Paul à 9 ou 10 ans, on voit la grand-mère entrer par une porte de plain-pied à l’arrière de la maison… Et j’ai un peu de mal à comprendre l’organisation intérieure de cette maison.
Ce n’était pas une petite maison en bois, mais trois : la maison, la cabane et la niche du Scottish terrier de si bonne composition…

Quelques années plus tard, les années 60, mon oncle Jean-Paul adolescent, avec le Scottish sur le côté de la maison. À la fenêtre, son petit frère Gérard. C’est la dernière photographie de cette maison dans les archives de mon grand-père : 

Article précédent qui présente quelques photos de Jean-Paul autour de la maison : http://bonobo.net/le-premier-appareil-photo-de-mon-pere/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.